[Historique] Lothar Le Barbare

HRP/ Rien à dire, t'es passé Maître dans l'art de nous faire rêver! En plus t'as parlé de nos vieux potes, c'est terrible!^^

- Et que se passa-t-il à ce moment ?
- Oh trois fois rien... rien ne supposait la suite, bien longtemps après.
- Je vois. Ca a dû être étrange comme retour des choses.
- Oui, je ne vous le fait pas dire. Une touche de violet, un regard et quelques propos banals.. et voilà le résultat.
- Oui.
- Je me souviens alors de cette neige qui recouvrait tout ...

***

... tout et rien car d'aucun sait qu'elle ne tombe pas mais qu'elle a dû tombé une fois et une seule et depuis n'a jamais fondu. C'est ainsi que l'on pense, chez les Bworks. La neige est immuable dans notre province, eternelle. Comme cette rencontre en somme, rien ne présupposait la suite et pourtant c'est arrivé et bien au delà des espoirs les plus fous. Si seulement j'avais sû ...

Oh j'ai bien été marié avant et eu maintes aventures éparses mais je n'étais pas préparé à ça ! Je ne pense pas qu'il y ait de la honte à l'avouer... Un jour on est paré à tout et la vie continue jusqu'à ce que le passé vous rattrape et là tout est chamboulé, on retombe quelques vingt ans en arrière.

C'était bien entendu par une journée froide dans cette contrée. Les Bwoks que j'avais bien connu me connaissaient aussi parce que leurs terres étaient mon terrain priviligié d'entraînement. Parfois ils m'accueuillaient à bras ouverts, souvent ils me pourchassaient, moi le paria. Si j'avais sû ...

Une petite patrouille surveillait et protégeait les alentours afin de laisser leur Mage mener à bien quelques ceuillettes d'herbes rares pour ses potions infâmes. J'étais alors bien jeune et fou. Je me planquais, sûr de mon coup et préparait à leur tomber dessus quand je sentis la présence d'un couple de chasseurs non loin.

Du premier je n'ai gardé aucun souvenir, étrangement. La seconde personne par contre m'avait comme qui dirait tapé dans l'oeil. Mais vous savez comme c'est : la jeunesse apporte son lot de certitudes et d'indifférence mêlées à désir de détachement. Si j'avais sû ..

Elle était alors fort jeune, à peine sortie de l'âge ado mais déjà belle, belle comme jamais personne ne peut vous éblouir comme ca. Elle n'avait pas le cliquant artificiel de mon ancienne épouse - que j'avais même pas encore rencontrée encore c'est vous dire - mais avait ce petit quelque chose de touchant, d'honnête et de droit qui vous aurait fait se souvenir de sa seule image longtemps par la suite.

Se tenant avec son compagnon non loin de mes proies je ne sais ce qui m'est arrivé mais j'ai dû par fierté me dire que ce groupe était à moi, ou alors j'ai dû tout simplement vouloir faire le beau et montrer ma bravoure, pour sans doute la séduire. Si j'avais sû ..

Mais sans doute ai je trop hésiter car je n'ai rien fait quand ils se joint à l'assaut. J'ai laissé faire et sans me vanter je dois avouer que j'ai bien joué le coup. Les proies n'ont à ce point rien vu venir que seul, j'ai laissé en plan ces deux là et ai torché les adversaires. Je voulais déjà l'épater, certain que je la reverrai pas mais certain de vouloir lui plaire.

Quand les corps jonchaient le sol neigeux, je me relevai, essuyais ma lame sur la tunique du Mage et me retournai. Tous les deux, elle qui était Feca et l'autre Cra il me semble, me regardaient avec yeux ronds. C'est alors qu'elle reprit contenance et par Iop je le jure je me souviens encore de sa phrase exactement comme elle me l'a dit :

- Tu es un puissant guerrier, c'était impréssionnant.

Oh bien entendu la suite fut rapide : je fis la moue de celui qui est fier, qui se la raconte, je les ai salué après un bref commentaire faussement poli sur leur art à se battre ( ils n'avaient rien eu le temps de faire ) et m'en était allé, le cheveux aux vents.. Exactement comme dans ces pièces de Théâtre Cra où l'on fait tout pour faire virvolter ses cheveux dans une pose débile. Le pire, je me suis même pas trouvé pathétique alors que je l'étais. Si j'avais sû ...

***

- Et bien entendu tu l'as recroisé mais bien longtemps après ..
- Oui voilà. Comme ces gens que l'on rencontrent une fois elle était destiné à ne plus refaire surface même si j'avais gardé un souvenir précis d'elle. Allez savoir pourquoi ...
- Sans doute parce que vous allier effectivement vous revoir, on nomme cela la prédestination tu sais.
- Oui, je n'y croyais pas. Surtout pas le jour où ce fut par la bouche de mon ami Kawet qu'elle ressorti son nom, son merveilleux nom..

***

- .. Zamie oui, une feca tu sais, chouette fille, cheveux violets tout ca, me disait alors Kawet.

J'en étais sur le cul et en même temps, alors que je me souvenais soudain parfaitement d'elle ( je ne l'avais jamais revu depuis l'épisode en terres bworks ) je ressentis quelque chose d'étrange. Vous savez comme ces impréssions de déjà-vu. Mais en tant que bon Iop je passais outre et dis simplement :

- Cool.

Quel abruti j'ai été à ce moment, même après tant de temps, d'aventures. Déjà que le destin se jouait de moi, ne me donnant même pas la connaissance de l'avenir, m'enlevait par la même celle du chemin des possibles. J'allais me marier avec elle bordel ! Quelques temps à peine par la suite ! Marier ! Vous vous rendez compte !? Si j'avais sû ...

La suite se passa très vite. Le clan était monté de neuf ( je vous évite de revenir sur ces épisodes ) et nous avions beaucoup de boulot. Je venais aussi de divorcer de Cara et ne voulait plus entendre parler de mariage. Avec mon ami Lordsoth nous allions souvent boire quelques bières - lui aussi venait de se séparer de Pamplemousse-Rose - en souvenir de notre innocence perdue et faussement blasés que nous étions, nous dissertions sur les bienfait du célibat et de la franche rigolade entre copains.

Lord se remariait quelques temps après avec Odrane et moi je courrai toujours l'aventure jusqu'à ... jusqu'à " elle " en fait. Et bien que je ne remercierai jamais assez Kawet d'avoir été l'agent de ce destin moqueur mais au bon fond j'aurai bien aimé lui en vouloir de ne pas me l'avoir présenté avant. Vous savez comme c'est : ces filles sont de celles qui vous font regretter de ne pas les avoir connu bien plus tôt, dans ce monde, ailleurs, dans d'autres circonstances. Si j'avais sû ...

***

- Et maintenant ?
- Bah maintenant on se fait la gueule ..
- Ah ?
- Bah oui, elle croit que vous êtes doté d'une paire de nichons et m'aguichez, sauf vot' respect... ^^'
- ... n'importe quoi ...
- Je sais.
- Moui .. Allez sers moi encore de cette chose que vous appelez bière, je crois que j'y prend goût.
- Avec joie.
- .. hum .. ca va s'arranger tu sais ...
- J'espère, elle compte comme ma première raison de ne pas vouloir venir avec vous et de vous claquer la porte au nez ..
- Je sais.
- Je sais que vous savez, vous savez tout, c'est agaçant.

Toto le jeune marin passait dans les rues du port d'Amakna. Il flanait dans les coins, entre gens et étales. De loin en loin une vue magnifique des mats se profilait, piquant l'azure de pointes noires et de fanions. Le temps était à l'été et à l'indolence, signe que bientôt tout changerait pour des départs vers d'autres horizons...

Les rues devinrent étroites quand il prit le chemin de la place centrale, celle de la place à la Fontaine. Saisissant une pomme dans sa poche il alla se placer non loin et s'appliqua à la croquer pleinement en profitant de la tranquilité des lieux, rêvant des futures aventures qui l'attendaient..

.. quand il entendit une voix non loin, derrière lui. Se tournant il la devina provenant d'une petite baraque de pêcheur, juchée dans un coin de la place. Un clochard tout vêtu de noir en haillons se tenait assis non loin, un bol plein de kamas reluisants devant lui.. Ne sachant pas trop pourquoi il entreprit neanmoins de s'approcher sans que rien ne transpire de sa curiosité... et alla se placer à une fenêtre, en douce et vit un homme seul..

...

- Tu as failli provoquer la fin de mes vacances..
- Ah ?
- Te rends tu compte du nombre de clients que j'aurai eu d'un coup avec ta bêtise ?
- Je suis confus.. mais je n'avais plus tellement le choix ..
- Je sais.. Mais j'aimerai entendre de ta bouche le " pourquoi " de tout ca..
- Je ne sais pas trop .. c'est arrivé tout seul .. l'ennui ? Le sentiment d'une fin ? La solitude ? Et le danger bien entendu, sans doute la seule chose dont je sois sûr..
- Mais encore ?

Soudain l'homme se leva, gesticulant avec ses bras et tout vociférant arpenta de long en large la bicoque.

- .. rde à la fin ! Vous saisissez pas vous autre ! Pour nous, gens plus simples, ca pése beaucoup ! Que feriez vous hein ?! Encore me dire " je sais " ?!
- Calme toi.. De quoi parles tu ?
- ... votre meilleur ami ne donne plus signe de vie, votre femme est de plus en plus absente et la flamme s'éteint car ainsi vont les choses n'est ce pas ?
- Oui ..
- Et vous vous retrouvez seul, face à une menace diffuse.. alors une idée vous vient.. tout précipiter ! Tout foutre le camp !! Pour qu'enfin ! Enfin tout soit fini, lors d'une finale qui vous ravivera le sang ! Vous donnera la légitimié de revendiquer lors de votre mort un morceau de qui vous manque tant : une raison d'avoir été..
- La solitude.
- Oui..
- Je te comprend.. et donc tout ce cirque pouvait être évité si l'autre n'était pas parti et ta femme ..
- Oui..
- Et le réveil de l'autre aussi.. je vois mieux .. tout aurait pu s'arrêter dans un flop géant, un sentiment de non achevé .. alors que là..
- .. alors que là au moins j'ai permi aux choses de prendre un nouveau virage... une nouvelle route permettant le vide de certaines personnes.. une page devait être tournée et sans épiloque elle ne pouvait l'être.. je la lui ai offerte..
- Avec beaucoup de risques que ca ne marche pas..
- Oui..
- Et maintenant ?
- Maintenant tout est fini .. Je suis prêt je présume.. pour très très bientôt ..
- Je ne le pense aussi, des regrets ? Des remords ?
- Oui .. sur une chose .. je regrette que ca ne se soit pas passé autrement et j'ai des remords sur le fait que ca se soit passé... alors que j'aurai sans doute pu faire autrement..
- Tu te soucis de trop .. après tout, le voyage ne s'arrête jamais si ?
- Aux yeux des autres le mien si.. mais .. je pourrai vous demander un extra ?
- Demande toujours..
- Sur la pierre .. car je présume qu'il y en aura une .. vous pourrez faire en sorte que l'on grave une chose ?
- Mhhhhh .... pourquoi pas .. c'est inhabituel mais pourquoi pas. Ce sera ?
- Ce sera : " M'en fou ! Je r'viendrai ! "
- Original..

...


La pomme était achevée. Le trognon reposait par terre, dans une touffe d'herbes et les pas de Toto l'avaient conduit de retour à son bâteau. Au fond il aurait dû partir en haussant les épaules mais quelque chose l'avait intrigué ..

.. l'homme, assurément un marin au vue de sa maison, s'était endormi peu après alors que les grands départs étaient pour bientôt .. mais aussi un froid soudain non loin, subite .. et ce clochard dont le bol avait pourtant été plein à son arrivé et qui reposait vide .. devant une vieille cape noire moisie et un bâton craquelé.. le tout reposant par terre, en désordre ..

Durant la nuit on appela les contremaitres, on hissa les voiles et les dernières cargaisons de pomme furent chargées sur l'un des nombreux bâtiments marins à bord duquel un tout jeune marin sentait déjà les vents du changement ..

... Le pirate mort-vivant avancait vers le groupe. Tous ses autres compagnons étaient éparpillés un peu partout, démembrés, projetés contre les murs de la cale du bateau, brûlés à vif ... C'était un foutu carnage ...

... Au centre d'une tourmente de flammes, se tenait une fecatte aux cheveux noirs qui incantait un chant funebre. Le mort-vivant s'élanca alors soudain, visant le ventre exposé de la magicienne sombre mais au dernier moment un autre feca, aux cheveux de noirs de jais, se jeta sur lui avec son arme et le percuta ..

... C'est alors qu'une explosion de flammes embrasa tout le local. Lothar fut projeté en arrière et sa tête cogna contre une rame et des étoiles dansèrent devant ses yeux ...Sa derniére vision fut de voir la magicienne rire à gorges déployées, d'un rire dément et frénétique, victorieux... Sa dernière impréssion fut de sentir un étrange mélange d'affection et de posséssivité à son égard...

... Un peu plus tard, réveillé mais toujours sonné, Lothar se leva peniblement , s'appuyant sur son épée.. Les deux magiciens sombres se tenaient devant le dernier pirate explosé .. Et un xelor, à la mine tout aussi sombre, ramassait déjà le butin en arachant quelques éléments des corps fumants... Que tout cela était macabre et sauvage.. Que tout cela était familier et revigorant ...

... La magicienne se tourna alors vers Lothar et lui dit simplement : " Réveille toi mon Lolo... ", d'un air enjoué, tendre et prude, qui contrastait avec sa nature, sa réputation et ses grandes ailes démoniaques.


Lothar se réveilla. Et comme après un très long sommeil, le coprs étant fourbu de courbatures, à plat. Pas réellement reposé. Sa premiére impréssion fut d'avoir dormi pendant des années..

L'esprit embrouillé, les paupières lourdes, il se leva et tenta de se rappeler.. Et réalisa avec perplexité sa situation pour ensuite froncer les sourcils.

Décidant de se lever, il se surprit à avoir quelques démangeaisons dans le dos. Il n'y prit pas garde. Ca lui passerait, sans doute le tissu grossier de son lit, dans sa cabane de pêcheur..

.. mais les murs étaient gris étaient ceux d'une cellule de prison, craquelés et sales, avec des fers rouillés accrochés aux quatres murs. Le sol était jonché de bouteilles, de crasses et de merdes sechées. Deux lits , attachés au mur, traînaient au bout de leurs liens moisis.

A côté du lit se trouvait un chapeau à bords larges, lacéré et mis en pièces. Une cape verte mitée qui traînait non loin avec des cousures d'épées entrecroisées. Ayant soudain froid, il prit la cape et s'en vêti.

Prenant le temps de rassembler ses esprits il se souvint peu à peu des derniers évenements. Des évenements de longue date, de très longue date. Tout lui parraissait comme limpide, ordonné, méthodique.

Il se souvint d'un couple de feca, un jeune homme et une jeune femme. Et d'un Xelor aussi. Il se souvenait de leurs départs de ce monde. Il se souvint de son mariage avec une acuité renouvellée et réalisa des choses qu'il n'avait pas réalisé lors. Il se souvint d'une promesse qu'il avait faite à un ami, et réalisa qu'il l'avait tenu.

Laissant soudain de côté cette introspection, il se leva et alla à la porte. Un geolier, portant les armoiries de Bonta, se présenta.

- Qui suis je ? demanda-t-il
- Tu es Lothar.
- Où suis je ?, demanda Lothar
- Tu es dans la prison de Bonta.
- Pour quel motif ?
- Pour avoir osé venir en ville.
- Bonta est interdite aux voyageurs maintenant ?
- Aux voyageurs non. Aux Brakmariens, oui.
- Soit, disons. Mais je ne suis ni Brakmarien et par ailleurs même les habitants de cette ville ont droit de sortir au bout de quelques heures..
- Je sais.
- Alors ?
- Alors les habitants normaux de Brakmars sont reconduits assez vite à coups de pied aux fesses ..
- Et ? ..
- Et ces mêmes habitants, pour peu qu'ils aient un passé plus sombre.. Ben ils restent plus longtemps..
- Je vois.. Et comment faire ?
- A moins d'un sauvetage des tiens je crois que t'es parti pour trainer ici longtemps...

Lothar recula dans sa cellule. Il avait un sale goût dans la bouche et une soudain envie de vomir. Contenant son envie, il alla s'allonger.. Et se rendormi.

Un peu plus tard, dans la nuit, un bruit de déflagration le réveilla. Sautant à bas de son lit il se surprit à mettre la main à son épée.. Qu'il n'avait pas. C'est alors que la porte de sa cellule s'ouvrit, et en silence roula par terre la tête du garde.

Entra à sa suite la silouhette d'une fecatte aux cheveux noirs. Les mains sur les hanches, son regard perca les ténébres et se porta sur un Lothar ahuri. Alors elle montra la voie libre et dit :

- Toujours pas réveillé mon Lolo ?

Désormais, c'était le silence qui régnait. Lothar avait quitté la prison de Bonta mais bien des jours plus tard, c'était en réalité, la libération d'une toute autre prison qui s'était opérée. Une prison mentale. Il s'était réveillé dans un monde sans compromis.

Il avait promis de partir, il avait prévenu mais jamais il ne pensait que cela prendrait cette teinte. Inconfortable mélange de sombre, d'amertume et d'incompris. L'incompris il s'en fichait : il était né insouciant de l'avis d'autrui et têtu comme une bourrique.

D'amertume car c'est le désir de garder d'autres souvenirs qui le taraudait. Non ceux des moments difficiles, des moments de solitude et des moments d'égarements. Son ex-ami avait complétement craqué et Lothar en était effaré, même encore.

Et de sombre, car le silence précéde toujours le vacarme. Et le vacarme qui se tapissait derrière le décors de sa vie allait être mémorable. Une tempête se préparait, une tempête dont la violence serait inouïe et les éclairs juchés au loin, prémices de l'avenir, dansaient déjà dans son regard.

L'engueulade avait été très violente, montante et débordante. Mais là où il s'était surpris à se déchaîner, il s'était pour une fois surpris à être convaincu de sa connerie. Un simple petit projet, certes amené avec sa verve naturellement bourrine mais un simple petit projet ... En général, residait toujours un doute, là : aucun. Tout était si limpide et les mots de Lothar de clore leur discussion : " Tu vas faire une sacrée bourde ! Mais ca t'empêchera pas de dormir heion ? Glandu ! "





La porte de la maison de bijoutier, quartier des bijoutiers de Brakmar, avait été fracturée. Les affaires de sa proprio' éparpillées et de la poussière couvrait toute chose. Lothar ne prit pas la peine d'entrer : il savait le pouvoir des rêves, il s'en rendait compte douloureusement. Le réveil était de plus en plus difficile et difficile le contrôle sur soi. Le vacarme était encore loin mais se faisait entendre désormais en continue.

Quelques heures plus tard, c'était d'autres souvenirs qui ne retrouvaient pas leurs reflets actuels. La milice était vide, le zaap vide, la place marchande vide, les hotels de vente vides, les tavernes vides, les rues desertes, la muraille envahie de mousse, la ville... Morte. Poussant le pas jusqu'à la Tour Sombre, il se renseigna .. Et fronça les sourcils : Brakmar était devenue le repaire du silence et de quelques chuchotements de politocards en mal de sensations.

" Des fiottes ! Voilà ce que vous êtes ! Des fiottes planquées derrières vos mots ! Derrières vos espions qui espionnent le vent ! Brakmar aurait du rester la ville du feu et de l'acier ! Elle est devenue la ville de fantômes et de fiottes ! Et ce à cause de vous ! ", avait-il balancé avant de claquer la porte du conseil. Deux lordions avaient été envoyés à sa suite pour lui apprendre la politesse à tenir devant les Anciens. La foudre avait claqué, leur corps brûlés retrouvés encastrés, immortalisés dans le marbre noire du hall.

Une dernière visite l'avait amené à la milice. Oto était vautré sur son tabouret, le bide gras et la bouche sale de restes de bouffe. Une odeur de merde planait sur les lieux. " Bah oué! Chui toujours chef de la milice ! T'vois pas la pancarte tête de gnon ! Oué je sais, le sram oué je sais ! Et alors ! Ch'tenmerde ! ". Lothar l'avait laissé sur place, dans sa crasse et sa débacle. Silenceuse, fantomatique et désormais médiocre.





" Lothar, le clan sériane est devenu un repaire de scribouillards. En plus, leur déni renforce leur incompétence. Moi j'me tire! ", avait dit la Cra. " Beaucoup sont partis maitre. Des légionnaires aussi. Et si ce n'était que la Légion : c'est le clan qui change. Mafr s'en contente. Kincaid doute. Les choses changent et le gros tout en haut dort plus que jamais. Adieu maitre! " avait renchérit le Feca. " Queud'chie! Bientôt, ce sera Brakmar qui verra la guerre dans la merde d'un piou d'Astrub! Où va-t-on ?! " avait clos l'Enu.

Et puis, " elle ". Aucune nouvelle directe sinon des rapports sur ses allées et venus : plus que jamais terrée avec les gens de son ancienne guilde ou à chasser des pious. Il commençait à éprouver une réelle honte et un foutu ressentiment, contre une perte de temps, contre elle. Au moins l'avait-elle soutenu vis à vis des motifs de son départ. Il décida donc qu'elle était ce qu'elle était et qu'il ne fallait pas regarder plus loin, que ca ne servait à rien. Les choses se feraient en leur temps.

" Tu aurais dû voir leur figure Lothar ! Déconfits ! Apeurés et perdus ! Un délice ! Des vrais poules courant partout dans leur poulailler, face aux loups ! Et elle, je l'ai puni. Oui.. elle le méritait bien sûr .. Un éléve ne devrait jamais oublié les leçons de son maitre. Bref, heureux de ton retour parmi nous. Ah oui, pauvre Sacre' ! Banni par les dieux parce qu'il a eu l'outresuidance de dire "langueedepute" à une bontaise". Bonta est proche des dieux savais tu ? Tout finit et commence l'ère du n'importe quoi mon ami. Bref, du thé ? ". Lothar avait fait la grimace. " Non merci, de l'eau s'il te plait. "

" Oui il est dans les parages. Non il n'est pas mort. T'es con ou quoi ! Il peut pas crever ! Oui il condamne les décisions des Gouverneurs... Non il ne pardonnera pas... Oui il a colé deux trempes à Mafr. Oui il les aggressera à vue désormais ! Non il ne reconnait plus le clan comme héritier de son ancien mentor. Oui il a vu certains d'entre eux... Rhaaa ! Oui il a dit ce qu'il en pensait ! Non, pas tous, déjà deux sont partis. Où ?! Mais j'en sais rien et m'en fiche lache moi ! ", avait dit le dopeul Sacrieur. Lothar était reparti des mines quand son interlocuteur avait claqué la porte.

Retour dans la vieille maison de bijoutiers. Une tasse de thé l'attendait sur la table ainsi qu'une petite assiette contenant des petits gâteaux. Levant un sourcils, il prit un gâteau, croqua dedans et le trouva bon. Puis, il se résolu à prendre une gorgée de thé qu'il trouva tout aussi bon. " Les ignorants sont bénis ", se dit-il.

Et de reposer la tasse , pour ressortir. Dehors il pleuvait, le ciel était plus sombre que d'habitude. Un orage se préparait. Les falaises du Cimetierre Primitif seraient un point d'observation idéal. Mettant le reste des gâteaux dans sa poche, il prit la route.

.








Il y a super longtemps..

- Alors chérie ? Prête ?
- Oui amour, j'arrive de suite.
- D'accord, je vais prendre les malles restantes.
- Le bateau part dans combien de temps ?
- Une petite heure.
- Je m'dépêche alors ! Faudrait pas qu'il arrive avant ..
- On en a déjà parlé ..
- Oui je sais mais bon, j'ai un doute.
- Moi pas. Allons.
- Tu as raison .. J'assumerai, t'en fais pas.
- Aucun regret ?
- Non, t'en fais pas. T'as fait pareil de côté, je ferai de même. Partons, je suis prête.
- Allez hop !



Il y a très longtemps..

- Alors Lothar, on s'marre ?
- La rime est faible .. Mais oui. Nouvelle passion, vacances ad vitam, un nouveau départ. Pénard et heureux.
- Et le clan ?
- Officiellement ?
- Pour commencer ..
- Et bien, cela fut une chouette expérience mais tout a une fin, patati patata, bon courage à la relève ceci cela ..
- Et vraiment ?
- Vraiment ? Vraiment ras le cul et fatigué.
- Je m'attendais à plus de venin ..
- Déçu ?
- Non. Je te crois. Je file mais dis moi avant si tout va bien ?
- Oui, on passe notre temps de port en port, de taverne en taverne. On découvre plein de choses et on se marre comme des coings .. Si tu vois ce que ce je veux dire.
- Je vois. Prêt à te lancer et à t'engager donc.
- Ouep.
- Ok, bonne chance Lothar. A la prochaine.
- Ou pas. Bonne route copain.




Il y a longtemps..

- Enceinte ?
- Oué ..
- Triste ?
- Bien sûr que non. Pourquoi ?
- Et bien tu semblais y croire et tout. Les vacances à vie, la retraite, vos promesses mutuelles.
- Bah c'était du flan. Enfin, pour la dernière partie. On s'est marré et c'est tout, que veux tu que je te dise.
- Sans doute rien. C'est nase quand même je trouve.
- Ah parce que t'as cru un seul instant qu'il existait encore des gens de parole dans ce monde ? Regarde nos Dieux .. T'as quand même pas cru qu'ils allaient nous pondre autrement qu'à leur image ?
- Non mais bon ..
- Oué je sais.
- Et la suite ?
- Bah rien. Vais me balader encore. Me poser, me relever, me reposer et ainsi de suite.
- C'était pareil pour elle ?
- J'en sais rien. Mais ce que je sais c'est que c'était une foutue salope. Ceci dit, cela ne m'a pas dérangé. Comme le reste.
- Oué, tout a une fin c'est ça ?
- Pas l'choix. Et pas l'temps de me prendre la tête. Tant pis pour sa gueule. Elle le paiera tôt ou tard, comme moi.
- Bon, tu les vois les deux là bas ? Pas mal, qu'est ce que t'en dis ?
- Que l'on devrait aller se présenter tiens.
- Allez !




Il n'y a pas longtemps..

- Lolo ?!
- Non, ta soeur..
- Mais qu'est ce que tu fiches par ici ?!
- Et bien, je reviens.
- Ah et pourquoi ? Enfin cela me fait plaisir mais ..
- T'es pas le seul mais vous ne serez pas beaucoup. Sinon, je ne sais pas trop .. J'ai revu Kin', il m'a dit un truc vaseux qui m'a convaincu .. Et je m'ennuyais. Comme lui sans doute .. J'en sais trop rien.
- Ca tombe bien. Tu devrais voir l'état des lieux .. Enfin, ce n'est que mon avis hein ..
- T'excuse pas. T'as le droit de penser.
- Disons que les choses ont beaucoup changé.
- Oué, j'ai pas mal tourné autour des gens, j'ai pas mal écouté.
- Et ton avis ?
- Officiellement ?
- Pour commencer oui ..
- .. officiellement, la relève a eu beaucoup de boulot, elle a fait de son mieux, a serré les dents et le cul et, ça, ça se respecte. Chapeau.
- .. et réellement ?
- Réellement, je pense qu'ils ont vraiment serré les fesses et en ont chié. Mais le résultat fut le même ..
- A savoir ?
- Quelques bons trucs. Sinon, une belle flaque de merde. Ils n'ont pas serré assez fort.
- Bon courage alors. On va bien voir désormais.
- C'est tout vu. Allez, à plus tard.
- Tchuss.

.. Un soir de printemps dans le clan Sériane ..


Lothar était content. Il avait l'oeil gonflé de ces moments d'indolence et de feignasserie commun à tous les gradés du clan. La bouche s'ouvrant et se refermant lentement après un copieux repas, le pantalon ouvert pour laisser pendouiller son petit bidon satisfait, Lothar était vautré sur son canapé.

Le cadavre d'une énorme boîte de Pit-Zha - mystérieux plat Bwork - gisait sur le sol de sa demeure. Et Lothar de se faire une remarque très pertinente et d'un air gras :

- Oh putain .. C'ke c'était bon ..

Sur ce commentaire très savant, il décida d'aller embêter un peu ses petits chéris. Bien des personnes pouvaient se demander qui étaient ces fameux "petits chéris". A quoi, Lothar répondait volontiers qu'ils les appelaient aussi ses " Petits canards en sucre ", ses " Sérianous à la vanille " ou encore ses " Ptit' bouchons ". Et de préciser - de l'étrange air de l'oncle malicieux - qu'il s'agissait des membres du clan.

Et tout en souriant bêtement aux réactions que provoquaient ses doux surnoms, Lothar s'en alla, dodu et repus, à la maison d'Astrub. Arrivé non loin, il tendit son esprit engourdi de fromage, de poivrons et de jambons vers la radio du clan. Où il entendit le doux gazouillis du bébé heureux et besogneux à casser les bonbons de ses parents. C'est alors qu'il se dit à lui même : " Clan ! .. Ahh .. vilain garnement ! Tu vas voir c'que tu vas voir ! Niark niark !! ", se dit-il en souriant sournoisement. Et il émit sa pensée en ces termes d'une classe innée :

- Iiiiinspection d'la Maison d'Astrub dans deux minutes !! Allez hophophop pifpaf et qu'ça saute !!!

.. et il se mit à courir. Arrivé dans la demeure, il vit les habituels présents. Au moment où un feca tout bleu et un éni tout noir allaient l'ouvrir pour baver leurs habituelles rengaine, il mit une claquette sur la joue du premier et baissa la braguette du second tout en s'engouffrant dans l'escalier vers l'étage.

Les sérianes étaient en nombre et, quand il déboula dans la pièce, il entendit un conglomérat de réactions confuses qui pouvaient se résumer à ces propos :

- .. et merde ..
- Tous aux abris !
- .. Arrrrgg !!
- Tous dans le tonneau de bière !

Remontant son clint, il les regarda longuement cavaler de partout, trébuchant ou continuant de ronfler pour certains. C'est alors qu'il compta très rapidement les ailes sorties, les clints portés et les lacets défaits. Et grogna.

- Bon ! On va jouer ! Un peu comme dans "1.2.3 Soleil", vu ? Je compte, me retourne et vous devrez être prêts.

Il alla se mettre face au mur, ajusta de nouveau son clint et se mit à compter. A peine arrivé à "2", il se retrouva sous une montagne de corps dont il imagina les vols planés jusqu'à lui. Se retirant de la masse des présents, il les renvoya à leur place et leur assura que, cette fois, il ne se ferait pas avoir. Et il compta d'un coup super rapidement .. Pour se retourner avant le "2". Le spectacle était surréaliste ..

... Django lancait une cacahuète, Chamak avait un sourire benêt, Azar soupirait d'un air désolé, Gourcuff mangeait une cacahuète, Krezus avait la main tendu vers lui et tenait une pièce prête à siffler dans les airs et Denrite tentait de lancer Azar...

Tout en voyant la dizaine suivante se tenir dans des poses d'assaut, Lothar se dit qu'il lui faudrait leur rappeler que ce n'était qu'un jeu, qu'il n'était pas une outre à Kamas pour bondir dessus et encore moins qu'il était un plat à manger. Les visages l'inquiétaient soudain et le temps reprit son cours après son inquiétant ralenti. Et tout ce qu'il trouva à faire pour sauver sa peau fut de hurler de terreur un " STOOPP!! " strident et peu viril.

Mais alors que ses " sérianous " lui retombaient dessus telle une horde de sauvages, que le crie surprit d'Azar retentissait dans les airs et qu'une pièce de monnaie faisait un " Poc! " sur sa tête, Lothar eut à peine de le temps de fermer les yeux.

Il se releva alors que tout le monde se dégageait et se dit qu'il en faudrait du boulot avant d'avoir une Tenue correcte dans la maison. Et tapotant quelques épaules, il s'en alla .. secrètement en train de jubiler.