Dernière trace

Combien de temps avait-il dormi au pied de ce chêne?
Non, la question aurait plutôt été "Depuis combien de temps était-il couché sur le dos, les bras derrière la tête, à regarder le ciel en profitant de la protection du soleil offerte par les branches du seigneur de bois?"...

Cette pensée lui arracha un sourire ce qui le décida à se mettre au boulot, il avait du pain sur la planche et il le savait, tout d' abord acheter les quelques bricoles qui lui serviraient pour son voyage. La journée était plutôt belle, enfin si l' on ne tenait compte que du temps, mais à vrai dire elle puait la nostalgie comme toute bourgeoise Bontaise sent l' eau de cologne frelatée. La nostalgie oui, surtout la mélancolie, en fait, les regrets, les vieilles images du passé qui se bousculaient, s' entrechoquaient, les écrits, les paroles, un volume à peine croyable d' évènements, de souvenirs, de faits purs et simples. Tout cela lui revenait en mémoire par vagues successives, bien qu' il tente de toutes ses forces de garder ça en lui, de refouler, de garder sa fierté maladive, celle qui lui avait fait faire tant de conneries, celle qui récidiverait sans aucun doute.

Les rues d' Astrub étaient grouillantes de monde, comme si les gens, chassés hors de chez eux par les premières lueurs de l' été naissant, se réfugiaient dans les rues, comme pour s' abriter de l' obscurité, de la morosité, de la dépression. Toute cette foule compacte lui faisait l' effet d' être une goutte d' eau ballottée en plein océan, tantôt en haut de la vague, tantôt en son creu, frotté, balancé par la force du courant contre des millions d' autres gouttes d' eau.

Le visage d' une des ces gouttes d' eau vînt heurter son épaule de plein fouet, il voulut l' aider à se relever mais il ne le pouvait pas, tout emporté par la foule qu' il l' était. Il réussit, au carrefour suivant, à s' extraire de la masse bouillonnante pour se diriger vers le magasin d' alimentation qui se trouvait à deux pas de l' étang, quelques pécheurs s' y affairaient tout en tentant de se protèger du soleil. Ce quartier était calme, l' un des seuls d' Astrub où l' on pouvait se balader en toute quiètude, au milieu trônait la petite échoppe remplie de bocaux de toute sorte, de lambeaux de viande séchée, d' herbes aromatiques et autres spécialités locales. Il y entra d' un pas décidé pour en ressortir quelques minutes plus tard, délesté d' une bonne poignée de kamas, mais alourdi de biscuits et de fruits secs.

Il continua pendant quelque temps ses déambulations, se dirigeant vers une grande batisse beige gardée par une demoiselle impassible en uniforme, il lui adressa un demi sourire silencieux et un rapide geste de la main par habitude, puis grimpa les quelques marches qui menaient au pas de la porte. Il était entré ici des centaines de fois, pourtant son poil se hérissait sur son échine à l' idée de poser sa patte sur la poignée pour la dernière fois.

Il leva les yeux juste avant que la porte ne s' entrebaille et les posa sur la petite pancarte qui avait toujours troné au dessus de l' encadrement, c' était une petite plaque de bois sur laquelle il était écrit "En quelque circonstance que tu te trouves, demeure comme une île au milieu des vagues, comme une montagne au milieu des nuages.".

Quelques visages inconnus se partageaient le hall d' accueil, ne prétant guère attention à l' inconnu qui venait d' entrer, leurs visages, leurs manières, leurs attitudes, il les avait déjà vus des centaines de fois, c' était tout simplement ceux de fraiches recrues comme il en avait vu tant défiler. Il se contenta d' un laconique "Bsoir" avant de se diriger tout droit vers le panneau d' affichage public. Il sortit de son sac un parchemin qu' il prit soin de déplier sans l' abimer, puis une rose qu' il contempla quelques secondes avant de s' enivrer à pleines narines de son parfum délicat. Il la brandit à hauteur de son regard afin d' en examiner la tige, de laquelle il retira la plus grosse épine.

Il posa le parchemin à même le tableau de bois tendre et l' épingla au moyen de l' épine, puis il le perca pour y glisser le bout de la tige de la rose, ainsi en équilibre.

Satisfait de son travail, il se retourna vers la sortie, essayant vainement d' oublier à quel point il avait le coeur gros.

Il marcha quelques heures avant de reprendre conscience, un peu comme s' il avait choisi de déconnecter son cerveau le temps que la distance mise entre Amakna et lui-même ait fait son effet. Il marchait désormais face au soleil et celui-ci le forçait à plisser les yeux. Il décida de faire une pause le temps de trouver dans son sac à dos un couvre-chef qui le protègerait de l' éblouissement. Il farfouilla quelques instants avant qu' une large sourire ne vienne barrer son visage jusque là impassible, il tenait un vieux chapeau couleur sable, au bord usé et à la couleur délavée, le pauvre chapeau était couvert d' éraflures, de griffures. Il le posa sur sa tête, comme il l' avait fait avant tant de contrats, tant de recrutements, tant de dons de quêtes, tant de soirées de promotion.

Il était prèt cette fois-ci, prèt à partir vers le dernier de tous ses contrats.

Parchemin a écrit:A ceux qui verront ce parchemin, à ceux qui y trouveront une écriture familière,

je serai bref, comme quoi tout peut arriver.

Toute ma vie a toujours été basée sur le même schéma, tant que je peux faire je fais, mais à partir du moment où je ne peux plus rien faire je pars.

Il est temps d' appliquer cette règle à ma vie Amaknéenne.

Je n' ai plus rien à apporter au clan, plus rien à apprendre à mes enfants, plus rien à apprendre moi-même ici.

Il est quelques personnes que ma décision ne surprendra pas, une tout particulièrement.

Je remercie du fond du coeur tous ceux qui ont pris le temps de me parler ou de m' écouter, ceux avec qui j' ai partagé de bons moments, même un simple échange de regards, je remercie tous ceux qui se reconnaitront là dedans.

Je tiens aussi à remercier tous ceux avec qui j' ai partagé de mauvais moments, des engueulades, des éclats de voix, des échanges de mandales.

Et je tiens tout particulièrement à remercier, en même temps que je leur présente mes excuses, ceux avec qui j' ai partagé aussi bien l' un que l' autre.



Je laisse avec ce mot une rose, à ton attention, toi qui te reconnaitras. Tu es la seule à savoir ce que représente cette rose à mes yeux, bien que tu fasses ton possible pour l' oublier. J' ai un temps pensé à garder cette fleur en souvenir d' Amakna. Mais au final je n' ai pas plus à décider de son avenir que de celui de celle dont elle n' est qu' une pâle copie, à savoir toi, alors je te la laisse, puisses-tu en prendre soin comme je n' ai pas su prendre soin de toi.

Tu sais, perdu au milieu de ces vagues de souvenirs il y a des tas de regrets, le plus grand d' entre tous est d' avoir brisé ce sourire, ton sourire.. Prends bien soin de toi.


Sam

[HRP: Avant qu' il y ait polémique, non je n' ai pas gardé de clint ni quelque autre objet seriane que ce soit, c' est seulement un effet de narration /HRP]

Cachée dans l'ombre de l'escalier menant à l'étage de la maison, Ery vit la forme familière de l'Ecaflip roux passer à travers la pièce pour se diriger vers ces panneaux d'affichage qui gardaient de nombreuses traces de la patte de velour du mythique félin. Elle l'observa quand celui-ci déplia son parchemin, reniflant sa rose et elle sourit intérieurement, sacré matou, toujours aussi fleur bleue. Une fois Sam sortit de la maison, elle se dirigea à son tour vers cette institution qu'était ce panneau, s'entailla le doigt et se mit à griffoner avec celui-ci.

Ery a écrit:Elle saura, sois en certain.

Ery

*Lomah se réveilla, ce matin là, avec une sensation devenue habituelle pour elle. Étrangement, elle pensait avoir mis cette sensation de côté, en avoir fait abstraction.

Elle franchit la porte de la maison d'Astrub avec apréhension, et remarqua directement la fleur posée sur la table. Après avoir glissé la rose dans ses cheveux, elle s'approchea de la note et la lu lentement.

Au fil de sa lecture, elle murmurait de petits commentaires pour elle-même..comprenant que sa sensation d'avoir perdu quelqu'un d'important était fondée, une fois de plus.*

Ne pas être surpris..

..Nous remercier..

*Portant la main à ses cheveux*

Une rose..

Il a dit oublier

*Le visage impassible, elle s'éloigna, gagnant une cascade méditative*

À bientot chaton, je ne t'oublierai pas.

Prunela était en train de faire le pied de grue en agitant des pancartes tout en hurlant des slogans, lorsqu'elle entre boire un verre dans la maison pour se désaltérer.

Elle vit l'écriture de son ex-mari sur un parchemin déposé il y a peu, et s'avança pour le lire.

Après quelques minutes, où son verra glissa de ses mains pour s'écraser au sol et sa mâchoire tomba: Prunela sentit une émotion intense l'envahir, un frisson parcourir ses bras, et elle se surprit à laisser glisser une larme sur sa joue.

Une foule de souvenirs refaisaient surface, leur passé commun, les engueulades mais aussi les moments heureux, leurs caractères, tout ce qui faisait que Sam était toujours le même malgré le temps qui s'était écoulé: imprévisible.

Les lèvres de la fecatte murmurèrent des voeux de bonheur et d'avenir florissant, tandis qu'elle sortait de la maison, essuyant cette larme du passé, son regard levé vers le ciel:

"On ne peut oublier ceux qui nous ont aidé à nous construire..."

Ulquiola entre dans la maison Sériane, et observe la note laissée par son frère. Il ets déçu, mais ne semble pas surpris, il savait que ça arriverait tôt ou tard. Il soulève son Clint, le regarde pensif, et sourit, se remémorant à la fois l'une des premières personnes à lui avoir ouvert son coeur, et sa fierté d'avoir été l'un de ses apprentis.

Bonne route sale buse, malheureusement pour toi, il va en falloir plus que ça pour te débarasser de moi ^^