Chroniques de Caitness - Chapiter 2

La Bibliothèque d’Amakna. Majestueux bâtiment, souvent lieu de rencontre et d’échanges culturels de nos contrées. J’aime ce lieu. Il me rappelle le temple où étaient entreposés tous les Korvahrs dans mon Age natal. Partout des planches de bois savamment ouvragées supportaient des montagnes de livres aussi anciens les uns que les autres et l’odeur de papier vieillit, même prenante à la gorge, me caresse les narines.

Le papier. Avez vous déjà tourné les pages d’un livre 3 fois plus vieux que vous ? Moi, j’en ai tourné des tonnes et des tonnes .. Je passerais des heures entières à lire et à relire l’histoire de notre beau continent. Sentir la page fragile entre mes doigts, l’entendre craquer un peu, se plisser … Ahhh, le son que dégage le papier, je l’avoue, me séduit. Il est plein de promesse, ce son … et jamais, jamais il ne nous déçoit.

J’étais à la bibliothèque ce soir là. Les dindes me prennent énormément de temps et je n’étais pas revenue depuis des lustres dans ce lieu de connaissances et de savoirs. J’aime lire et j’affectionne tout particulièrement les ouvrages décrivant les guerres ou les rites anciens que pratiquaient les ancêtres. J’aime passer mes mains sur le dos des livres pour essayer de ressentir leur pouvoirs. Les livres … Certains livres sont dangereux. Parfois, quand je suis bien concentrée, j’arrive à ressentir les énergies qu’ils irradient. Je vais , je viens entre les étagères, j’effleure de mes doigt les couvertures et j’essaye de ressentir toute la puissance de l’ouvrage, et parfois, pas souvent, mais parfois, un livre se réveille, désireux de me livrer toute son histoire.

C’est arrivé, ce soir là. C’était un livre un peu caché des autres. Au début je pensais que c’était le livre de recette de la bonne maman Bourrache qui m’appelait. Je pris le livre dans mes mains, le retournant, le sentant, l’écoutant … Mais rien, et puis, j’ai vu l’autre livre. Le livre caché derrière.

Sa couverture semblait être écailleuse, graveleuse. D’un rouge hémoglobine, mais pas trop. Il avait en fait la couleur du sang séché. Je pris le livre et je le portais à mon visage, puis, je pris une grande inspiration comme pour me fondre en lui. Son énergie était forte, j’avais peine à le garder dans mes mains car la couverture me piquait les paumes. Je mis le livre dans ma besace délicatement puis, je remis en place le fameux livre de cuisine.

Sauciflard en main, je me dépêchais d’appeler ma dinde pour que nous puissions aller lire ce livre dans un endroit calme, à l’abri des regards indiscrets. Boubou connaissait tous les lieux calmes. A force, elle avait l’habitude , ma Boubou. Nous arrivâmes dans une clairière, pas loin du lieu ou les Scarafeuilles aimaient s’accoupler et je descendis de Boubou. Boubou savait ce qu’elle devait faire quand il me prenait de venir lire un livre. Elle s’en alla donc, d’un pas nonchalant vers son lieu favoris, les buissons.

Je m’assis sur l’herbe fraîchement broutée, et je sortis le livre de ma besace. A chaque fois que je l’effleurais, j’étais comme transporter par son charisme. Je me surprenais à avoir des temps vides, mes yeux dans le vague, ne sachant que faire ou ce qu’il venait de se passer.
Après une bonne heure à ressentir son pouvoir, je l’ouvrit et découvrit toute la connaissance que celui ci était prêt à offrir.

Les pages n’étaient pas craquantes, elles étaient comme légèrement imbibées d’humidité. Fronçant les yeux, je portais ma main au nez pour renifler l’odeur du liquide sécrété par le livre et quelle fût ma surprise quand je m’aperçut que le livre produisait lui même sa sueur.

Ce livre serait vivant ? pensait-je. Non ce n’est pas possible.
Curieuse, je me décidais a feuilleter les pages rapidement. De toute évidence, ce recueil était un manuel Rushiste. Ses pages n’étaient pas écrite en lettre de sang mais les textes s’animaient parfois et laissaient entrevoir quelques schémas compliqués et formules incantatoires d’une rare complexité. J’inspirais un bon coup et j’entamais la lecture de l’ouvrage. En effet, ce livre décrivait le rituel dit « du changement de peau ». Le rituel était complèxe et très difficile à déchiffrer, car à chaque changement de page les textes s’animaient et j’avais beau tourner et tourner encore les pages … Les textes étaient différents. Je dû relire « Ce manuel » plusieurs fois pour m’assurer de n’avoir perdu aucune information. Mon carnet de note fût vite plein mais j’avais la sensation d’avoir pris l’essentiel du rite.

Je me mis à rire.
« Changer de peau, ça doit pas servir à grand chose … Un bon gommage du visage et c’est reparti pour un tour ! »

Je refermais le livre quand soudain une volute de fumée s’echappa du bouquin. Surprise de cette apparition, je m’éloignais un peu, la main au bâton, on ne sait jamais. La volute spectrale râlait. Elle respirait si fort et si difficilement qu’on aurait pu lui détecter une maladie du poumon, si elle en avait … des poumons cette volute. Je n’osais dire mots. Je la voyais danser au dessus du livre, puis tout à coup, elle s’arrêta. Je le sentais, cette fumée était en train de m’épier. Je balbutiais.

Qui … Qui … Qui êtes vous ? Vous … Vous me comprenez …

Je tendis la main vers la volute et celle ci se recula. De toute évidence, cette fumée était douée d’intelligence. Elle s’arrêta et me fixa encore. Le stress s’empara de moi. Que devais-je faire ?
Je m’avança un peu. Je tendis une nouvelle fois la main et j’entendis la fumée gronder.
De minuscules étincelles la parcourrait maintenant. Un orage miniature. Elle m’adressa enfin la parole.

Le mot de passe ? dit elle d’une voix caverneuse. Le mot de passe ? repetait elle encore et encore. De toute évidence … ce livre était protégé. J’avais vu ça plusieurs fois dans d’autres bouquins mais pas sous la forme de volutes de fumée. Je réflechis donc au mot de passe et j’essaya tout bêtement le mot « Rushu » .

Rushu ! Le mot de passe est Rushu, fantôme !

La fumée disparue instantanément. Le livre se mit ensuite à grésiller et a siffler. Puis de lui même, il s’ouvrit à une page qui m’était inconnue. Le recueil était bourré de passages secrets et j’allais mettre du temps a les perce.

Je pris un autre carnet et je notais et notais encore les informations complémentaires offertes par le fantôme qui gardait le livre. Ce livre me choquait. J’avais peine à rester concentrée car les descriptions étaient très éloquentes. « Piquez par trois fois le ventre et tracez un cercle, nul sang ne doit couler seul le triangle doit faire cet effet » … Des sacrifices humains.

Une page entière était destinée à la description de l’acte honteux. Ce livre est malsain. Vraiment malsain. Il faudrait être fou pour oser faire toutes les choses décrites dans ce livre.



Les pictogrammes avaient l’air assez importants et chacun représentaient un nombre précis.

Le triangle pointe en haut entouré d’un cercle représentait le nombre 1, le triangle pointe en bas entouré d’un cercle représentait le nombre 2. Ces symboles étaient aussi accompagnés d’annotations, et ceci précisa mon hypothèse : Il fallait que le Rushiste appose le symbole sur le disciple d’un dieu précis. 1er symbole : Enutrof, 2eme symbole : Sadida, 3ème Symbole : Osamodas, 4eme symbole : Xelor, 5ème symbole : Ecaflip, 6 ème symbole : Crâ, et le 7eme symbolise le Iop.

Au fur et à mesure des pages cachées, je remarquais quelque chose de frappant. Ce n’était pas n’importe quel Rituel de changement de peau. C’était un Rituel de changement de peau avec pour finalité, devenir disciple de Iop. De plus, le comble de la complexité, le rituel devait être accompli selon un horaire précis, déterminé par le calcul des éphémérides.

Les Rushistes qui avaient élaboré ce rite avaient tout prévu. Pour l’acte honteux, ils avaient inventé une potion qui rendait la victime docile. Potion à préparer tous les jours car différentes pour chaque disciples … Soit ces Rushistes sont fous, soit ils sont machiavéliquement intelligents.

Plus la lecture se prolongeait et plus mon envie, et ma curiosité grandissait. Je commençait à visualiser le rituel dans ma tête, point par point, méthodiquement. Je murmurais :

Attirer un disciple Enutrof dans un endroit calme. User de mon charme et frapper. Lui donner la potion et commencer l’Acte honteux. L’acte honteux … soupirais-je C’est ce qui va me poser le plus de problème. Rien n’est explicitement décrit. Je me massais le menton tout en réfléchissant. En tout cas, pas de doute la dessus, je vais devoir mettre ma pudeur de côté …
Ensuite je trace les symbole et le rite est terminé … Mais comment vais –je savoir si il est réussi ?

Je ne me rendais pas compte. Le fantôme prenait possession de moi. Il attisait ma curiosité, me montrait les secrets inavouables du livre. Je n’avais aucune raison de faire ce rite. Aucune … enfin … Je suis née disciple de Féca, la déesse bouclier. Je n’ai pas choisi ma place dans ce monde. Les Rushistes non plus. Pour avoir inventé un rituel pareil, ça devait être très importants.

Plus je touchais les pages, plus ma peau s’imprégnait du liquide que sécrétait le bouquin.
Le rituel devenait une obsession. Je n’avais plus goût à rien. Les conversations des autres étaient devenues fades et je me surprenais à ricaner quand un jeune aventurier se faisait agresser par des ailes rouges. Brakmar est attirante en soit. J’y passe désormais plus de temps qu’a mon enclos. Je préfère la compagnie des gargouilles, à celle des dindes qui sont ( il faut bien l’avouer ) complètement stupides.

Des voix résonnaient dans ma tête. Tantôt rapides, tantôt langoureuses. J’essayais de les comprendre, j’essayais de les interpréter, en vain … Mon esprit ne connaissait pas le repos, même la nuit, les voix s’adressaient à moi. Tout devint clair quand j’ai rencontré ma première victime. C’était l’Enutrof que je cherchais.

A peine entrée dans la demeure Sériane, le sériane Enutrof s’adressa à moi. Il me regardait avec envie, ça se voyait. Il me complimentait, et décida de m’offrir un verre, que j’ai accepté, pleine de reconnaissances. J’avais la gorge sèche. En temps normal, j’aurai renvoyé cet Enu avec un bon coup de pied au derrière mais les voix ont pris le pas sur mes actes. Elles me commandaient, je n’avait qu’à agir en suivant les recommandations.

A partir de ce moment tout est devenu flou. je me suis reveillée à l’étage du de la tour des métiers d’Astrub, sans savoir ce qui s’était vraiment passé cette nuit là. J’avais une dague ouvragée dans ma main et du sang perlait encore de la lame.

A l'ombre de la tour, J'étais en paix. La pénombre de Brakmar me rassurait et la compagnie des gargouilles de la tour me satisfaisait. je n'avais besoin de rien d'autre pour calmer les voix qui me tauraudait,encore et encore. Toute la nuit, tout le jour. Les hurlements des crocs glands de la Lande était devenus doux à mes oreilles.

Une année auparavant, ceux ci m'auraient rendus mélancoliques. Je ne sais pas pourquoi, j'en ai l'intuituion. Des gens me parlent, ils disent me connaitre. Moi, je ne me souvient plus. Depuis l'acte honteux avec le disciple Enutrof, je n'arrivais à me souvenir de certaines périodes de ma vie.

Hier, on m'a spécifié que je fus mariée 4 fois au moins. Qui étaient ces gens ? Est ce qu'ils ont pris soin de moi ? Pourquoi mesuis-je mariée autant de fois. beaucoup de questions se posait et en réalité, je n'avais mêmepas envie d'un trouver des réponses.

Car ... J'avais un but. Renier ma chair, renier ce que je suis. Me pourrir, me souiller. Changer ma peau et devenir Iop. Un plan tout tracé, le fantôme m'y aide. Il guide mes pas.

Il ne me reste que 4 jours pour accomplir le second acte honteux. Trouver un disciple de sadida, le séduire et le souiller. Mais les gens sont si ennuyeux ... Ils me parlent souvent mais moi, je n'arrive pas à les trouver sympathiques.

Je tolère encore certaines discussions avec Elriq et certains autres comme Greydancer, Un disciple crâ. Elriq. Je ne me souviens plus de notre rencontre. Je sais que nous avons vécu des choses, mais plus j'y pense et plus le souvenir s'efface. Et Greydancer pareil ... J'ai l'impression qu'il était important à mes yeux, ce crâ ... mais je n'arrive plus à me souvenir ...

A l'ombre de la tour de Brakmar, je suis en paix. Je vois passer devant moi un grand homme aux longs cheveux et très poilu. La voix me parle, j'execute. Je le séduirai et je le souillerai. Pour l'instant c'est ma mission.

Je me pose quand même une question sur ce qui est en train de m'arriver. Quand j'aurai effectué tous les actes honteux, quand j'aurai souillé tous les dieux demandés, comment se passera le rituel de changement ... et est ce que moi , j'y survivrai ... ?

Je me lève et je vais suivre le Disciple Sadida, je l'appelle, il se retourne. Je ricane et je tombe dans l'oubli, une fois de plus.

Enutrof
Sadida
Osamodas
Xelor
Ecaflip
Crâ
Iop

L’éveil

Je n’ai pas ouvert les yeux immédiatement.
J’attendais. J’écoutais. J'étais entourée par le bruit.
Le bruit assourdissant d'une foule qui s’agitait. Elle grognait, riait. Elle hurlait parfois. Personne ne semblait faire attention à moi, mais moi, j'écoutais.


Quelque chose brûlait non loin, qui dégageait une fumée âcre. L’atmosphère en était pesante et la chaleur semblait accentuer la moindre des puanteurs, rendant l’air moite presque irrespirable. Je me demandais comment la foule pouvait vivre dans un endroit pareil. Je me décidais enfin à ouvrir les yeux et tournais la tête pour regarder la masse de personnes disséminées autour de moi.

J’étais dans une immense pièce caverneuse, que des torches et des brasiers éclairaient de leurs lueurs vacillantes. Le rouge dominait.

La foule n’avait pas remarqué mon réveil, j’en profitais pour observer plus attentivement. Dans toute la pièce, les corps s'agitaient, lascivement ou violemment, souvent dénudés, parfois meurtris. Le claquement d'un fouet était suivi d'un râle d'agonie, un cri d'extase faisait suite à un écœurant bruit d'os brisé. Cela sentait le sang, la sueur, le sexe…
Au milieu de la salle, un groupe d'hommes se battaient. Plus loin, un cercle s'était formé, entourant une scène indéterminable mais qui semblait attiser la folie de ceux qui la regardait.

Au fond de la pièce, face à moi, un homme psalmodiait derrière un autel, les bras tendus vers le ciel, exalté par sa foi. L'expression de son visage semblait refléter une extase indicible. Ou bien était-ce de la démence ?

Mon regard se posa alors sur l'autel. Je n'arrivais pas à en distinguer le dessus, mais il me sembla voir quelque chose en pendre. Quelque chose qui ressemblait a des viscères, dégoutantes de sang. Le liquide suintait lentement jusqu'à une petite dépression dans le sol, formant une flaque brunâtre. Les vaguelettes formées par chaque goutte semblaient se propager au ralenti, rendant le mouvement captivant. Hypnotique…


Devant la marre de sang, des personnes s’agenouillaient et priaient. Leurs mélopées étaient aussi envoutantes que le mouvement du sang, elles semblaient exsuder une dépravation innommable…


Je parcourais tout ceci des yeux, la plus profonde incompréhension habitant mon regard.
Alors je le vis.

Une personne sortant du lot. Un homme étrange. Ce n’était pas vraiment un homme, il avait un visage… différent. Son corps était recouvert d’un épais pelage, blanc comme la neige, parsemé de taches ocre indéfinissables. Sa tête était ornée d’une coiffe à corne et à dents. Il avait du tuer une énorme bête et avait décidé d'en porter la carcasse. Une sorte de trophée peut être. Cet homme me regardait, il avait remarqué mon réveil. Je pense même qu’il ne m’avait pas quitté des yeux, tout ce temps.

Mais où étais-je ?

Il s’avança vers moi. Sa démarche féline, précise, et posée respirait la puissance et la maitrise. Cela ne m’effraya pas. Arrivé face à moi, il me fixa de ses yeux, rouges comme les flammes de ce temple. Ses canines, qui paraient un sourire aussi méprisant que sadique, étaient aussi blanches que son pelage. Il se baissa vers moi, ce qui fit tinter le grelot qu’il portait au cou. Il approcha alors son visage du mien et m’adressa la parole, d'une voix rauque et envoutante :

Petite, je vais m’occuper personnellement de ton cas. C’est Rushu qui t’a envoyé à nous, et il ne sera pas déçu du sort que je te réserve.

Il termina sa phrase avec un rictus plein de machiavélisme et me prit sur son épaule, comme un vulgaire morceau de viande. Je ne me débattis pas. Je ne comprenais pas qui il était, ce que j’étais et ce qui allait m’arriver.

Il marcha vers la sortie, calmement, ignorant ou méprisant la foule. Je levais la tête et je fixais le prêtre. Il n’était pas en train de prier. Une femme était accroupie devant lui et s’afférait à lécher ce qui lui sortait de son pantalon.

Je me nomme Facipoly. Tu es arrivée en plein rituel… Ne regarde pas ces mascarades, fillette. Tu risquerais d’y perdre la vue. Tu regarderas ce que je te dirai de regarder et tu feras exactement ce que je te dirai de faire. A partir de maintenant, je suis ton maître.

[ Merci à GreyDancer pour la réécriture :] ]