Quartier Général du Clan de Sériane Kerm
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou

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DayTay
Stairwey Tohaiven
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Stairwey Tohaiven Ven 2 Mar - 19:18

Une petite note en bas de la page de garde dis : "Merci pour l'idée de titre, Dark. J'te revaudrais ça."

Je vais être honnête : je sais vraiment pas c'qui me le fait faire. Ceux qui m'connaissent savent que j'suis pas un littéreux, encore moins un amateur de grandes phrases. Ma vie a rien de particulièrement exceptionnel : j'suis juste un énième bédouin qui essaye de s'la couler la plus douce possible dans tout ce bordel. J'vois pas la vie comme une suite de grande leçons, j'ai rien de particulier à protéger et pas de grandes oeuvres à accomplir. Et a vrai dire, si cette histoire ne concernait que moi, personne ne devrait prendre la peine de l'écrire.
Mais j'ai une soeur. Et elle, elle vaux le détour. C'est tout autant à son sujet qu'au mien que j'écris ces quelques pages, en espérant que quelqu'un la comprenne, nous comprenne. Et en espérant qu'elle finisse par les lire.
Mais ça, j'peux courir.

On va commencer par le début, sinon vous allez rien comprendre. Pandana, vous connaissez ? Je suis de là-bas. Un pandawa pur souche, modérément fier de son héritage, et versé dans les arts de son peuple. Faut dire que j'ai eut un bon maître - mais j'y viens.
Oldewey Tohaiven était de ces pandas qu'il est tout aussi difficile de détester que d'aimer. Âgé, et pourtant toujours plein de vie, c'était un homme qui avait dédié la plus grande part de son existence à l'étude des arts martiaux les plus divers. On disait de lui qu'il avait voyagé et qu'il avait appris beaucoup de choses à l'étranger. Puis, quand il est rentré à Pandana, il s'était installé dans une petite bicoque au coeur de la forêt des bambous et loin de toute civilisation. Sa réputation alternait au fil des années entre celle d'un sage hermite, celle d'un vieil excentrique, et celle d'un pauvre fou. Toujours est-il qu'il n'intéressait pas grand monde, à boire le thé au fond de la forêt - et que par conséquent, il disposait de la tranquillité qu'il était venu y chercher pour une raison que je ne peux qu'imaginer.
L'histoire ne dit pas comment deux petits pandas sont soudains apparus dans sa cabane. On ne connaissait aucune femme ni maîtrsse à Oldewey - et jusqu'au jour de notre apparition, il paraissait évident pour tout le monde que le vieu avait toujours vécu seul. Personnellement, je n'en sais rien. Je ne connais pas ma mère, et n'ai jamais jugé utile de questionner Oldewey à ce sujet. Toujours est-il que, malgré le déroutant mystère de leurs origines, Alfwey et votre serviteur, Stairwey, ont rejoint la vie du vieil aventurier pour ne plus la quitter jusqu'à sa mort.
Je résume les vingts années suivantes parce que, pour être honnête, il ne s'est rien passé. Chasse, entraînement au dojo familial, et quelques courses dans la ville la plus proche - voilà de quoi consistait notre quotidien. Vers les quinze ans d'Alfwey, certains jeunes pandas plus courageux que d'autres étaient biens venus tenter leur chance, mais la frangine s'était trouvée à cet âge là bien plus intéressé par le travail de son coup de pied que par l'idée de jouer la dinde farcie. Elle leur fit comprendre avec éloquence. Autre que cela, aucun évènement ne vint troubler notre retraite - et franchement, c'était la loose.
Je n'ai jamais été aussi passioné par la castagne que Alfwey, ce qui fait que je m'entraînais considérablement moins qu'elle. Je préférais passer mes moments de libre dans les champs de bambous, à m'inviter aux jeux des kitsou, à apprendre leurs signes et leur langage. Parfois, je venais la regarder s'entraîner - si l'idée de fatigue physique me déprimait à l'époque, j'ai toujours apprécié la beautée d'un mouvement juste et d'un muscle au travail. Et avec elle, j'étais plus que servis.
C'était précisément ce que j'étais en train de faire vingt ans après notre arrivée, un jour d'hiver où la neige avait tapissé le sol comme une froide fourrure. Adossé contre un bambou, les yeux perdus dans la contemplation du spectacle, je la fixais, belle, nue, alors qu'elle s'évertuait, debout sur un rocher au bord de la mer, à plier les vagues à sa volonté. Ses petits yeux étaient doucement fermés, ses bras bougeaient lentement au rythme de la mer - et sa fourrure blanche et noire se découpait avec netteté dans l'horizon gris. C'était dans ces moments là que je me mettais à espérer de toutes mes forces que la théorie de l'adoption était véridique.
Evidemment, pour Alfwey, ça n'aurait rien changé.
"Passe moi ma tunique, fit-elle d'un ton ennuyé. Et arrête de me fixer comme ça, on dirait que tu ne m'as jamais vue.
- Il y a des manèges qu'on refait avec plaisir, dis-je en lui lançant son pagne et son haut. Alors, tu n'y arrives toujours pas ?"
Elle me foudroya du regard. La jeune pandawette ne détestait rien plus que quelqu'un autre qu'Oldewey l'interrogeant sur ses échecs. Vue notre reclusion, l'autre, c'était en général moi. Et la réaction, invariablement la même :
"Tout le monde n'a pas choisis la voie la plus facile, Stairwey, fous-toi bien ça dans le crâne."
Pour ceux qui ne nous connaissent pas bien, la "voie la plus facile" est en l'occurence le choix du feu. Personnellement, boire m'aide à castagner, et j'avais choisis de creuser dans cette voix, sentant qu'il s'agissait là de mon penchant naturel. Alfwey, elle, s'était inscrite pour une virée considérablement moins agréable : elle s'entraînait exclusivement à ne faire qu'une avec la mer, à maîtriser l'eau. En quinze ans d'efforts, peu de succès : aussi m'en voulait-elle, je crois, d'obtenir des résultats immédiats en m'entraînant moins qu'elle. Souvent, je l'entendais me répéter qu'un jour, je réaliserais mon erreur : en attendant, nos duels étaient tous vite terminés.
Elle enfila ses atours, et je ne pus m'empêcher de me souvenir que, fidèle à la tradition, elle était devenue vestale comme partie intégrante de son entraînement.
Un gâchis considérable.
"Tu vas rester là à faire des yeux de poissons longtemps ? Ou tu comptes changer tes habitudes et faire quelque chose de productif de ta journée ?
- Tu sais c'qu'on dit : on n'change pas une équipe qui gagne."
Elle me répondit par un grognement inintelligible, et s'éloigna en prenant la direction de la maison, à quelques kilomètres de là. Je restais assis dans le froid, et me servis une petite coupe de pandaké. J'y étais allé un peu fort : mieux vallait me faire petit pendant quelques heures, et rester ici à profiter du silence. Ce silence qui m'avait emmerdé à mourir pendant 20 ans, et que je commençais à peine à apprécier.
Contrairement aux apparences, Alfwey et moi tenions beaucoup l'un à l'autre à cette époque là - et c'est peut être le cas encore aujourd'hui. Mais nous n'avons jamais été très doués ni l'un ni l'autre pour montrer nos sentiments, et l'ambiguité des miens ne simplifiait pas l'affaire.
Un kitsou-noneige passa par là, me lorgna un instant puis détala en courant. Pelage blanc : un mauvais présage. Mais je l'ignorais. Je n'avais jamais été très supersticieux.


[HRP] : Voilà, très court désolé, pas le temps de faire mieux pour l'instant mais je voulais quand même posté quelque chose :p le prochain post sera plus conséquent.[/HRP]


Dernière édition par le Ven 2 Mar - 19:26, édité 1 fois
Stairwey Tohaiven
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par DayTay Ven 2 Mar - 19:28

Derien ^^' mais bon c'est toi qu'a tout écris hein :'p A toi tout le mérite Smile
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Alpha~Omega Dim 4 Mar - 3:06

Applaudire sériane Excellent BG Wink, bon vocabulaire, bonne tournure de phrase, dialogue cohérent, c'est très joli.


*s'incline devant Stairwey tellement il admire ce qu'il a écrit*

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Message par Stairwey Tohaiven Dim 4 Mar - 12:44

[HRP : Message reçu, chef. J'ai confondu mémoires de néophytat et BG... mais je pense que dans le mien, les deux vont se confondre. J'espère que ça ne pose pas de problème ? :p En attendant... encore un fragment >.>;; désolé, un jour j'arriverais à équilibrer le temps passé à jouer et le temps passé à écrire ce truc :p pour l'instant je joue. Sinon, merci Alpha Omega, ça fait toujours plaisir ^^]

CHAPITRE 1 :

J'ai lut quelque part qu'au début d'une bonne histoire, il faut un élément perturbateur pour briser la monotonie. Que toute histoire était par définition celle d'un changement d'état, du passage d'un avant à un après, et de ses conséquences. Que je sois d'accord ou pas dans l'absolu, je suis un peu honteux d'avouer que c'est aussi le cas pour la nôtre. Pire, on a pas fait super original dans le genre - mais c'est la vie, et je n'ai pas vraiment choisis ce qui s'y est passé.
Cela s'était produit un soir, quelques semaines après la petite scène que je vous ai décrite. Le pont reliant Pandana et Astrub n'avait pas encore été construit, mais de nombreux Bontariens et Brakmariens commençaient déjà à affluer par leur propres moyens. De ce que j'allais commencer à réprouver comme la colonisation de Pandana, je ne connaissais rien à l'époque : Oldewey était très silencieux à ce sujet, et paraissait ne pas s'en soucier. De fait, quand durant mes errances dans la forêt je tombais sur une étrange créature, sans poils mais munie d'ailes d'oiseau blanches et d'habits étranges, je ne savais trop comment réagir. Puis, j'ai remarqué le fait qu'elle se traînait par terre, était couverte de coupures et de bosses diverses et saignait abondamment. Derrière elle, une longue traînée de sang dans la neige menant profondément dans la forêt témoignait de ce qu'avaient été les dernières heures de sa vie - et de ce qu'elles auraient probablement continué à être sans mon intervention.
En général, les bestioles blessées, je les achève. Loi de la jungle et tout ça. Rapide et sans souffrances inutiles pour elles. Et, retrospectivement, je me dis que j'aurai peut être dû.
Mais celle-là, eut égard pour la curiosité qu'elle m'inspirait et la résistance de laquelle elle avait fait preuve, devait vivre. D'autant qu'on ne pouvait que s'incliner devant un tel attachement à la vie. Je décidais donc de charger l'étrange pandaïde sans poils ni pupilles sur mon dos, et de retourner au dojo avec. Oldewey, ayant combattut sa vie durant, savait évidemment quelque chose sur la façon guérir des blessures; simple question de survie.
Lorsque lui et Alfwey me virent rentrer avec l'étrange paquet, ils ne posèrent aucunes questions et m'aidèrent à l'installer dans un lit de fortune. Je m'attendais au silence d'Oldewey, puisque comme je me l'étais figuré, il avait l'air de comprendre la situation. Celui d'Alfwey me paraissait plus étrange : mais un coup d'oeil en coin à son expression m'en appris beaucoup, à commencer par le fait qu'elle mourait visiblement d'envie de parler, mais qu'elle se retenait, pour une raison ou pour une autre. Probablement le fait qu'Oldewey lui même n'ait pas ouvert la bouche : elle respectait le vieillard au point de n'oser faire un pas de travers lorsqu'il était là.
Lorsque tout fut finit et que, pour l'appeler par son nom, l'humain fut correctement installé, Oldewey nous envoya Alfwey et moi dans la salle d'entraînement, sur le genre de ton qu'il n'utilise pas pour demander une faveur. Nous obéimes donc, toujours dans le plus parfait silence. Nous nous assîmes sur les tatamis, elle regardant ses pieds, moi le plafond, et le silence devint un peu plus inconfortable que tout à l'heure. Elle le brisa en premier, les yeux tournés vers le côté.
"Tu... tu sais ce que c'est ?"
Je haussais les épaules.
"Pas la moindre idée. Pourquoi, ça te dis quelque chose ?"
Son regard s'orienta légèrement vers le sol.
"Non. Mais... c'était... beau..."
Beau ? Pas vraiment le mot que j'emploierais pour un emplumé agonisant.Certaines fascinations d'Alfwey me dépassaient un peu, et je n'allais généralement pas essayer de comprendre, ou de la tirer de son monde. Moi, ce que je trouvais beau, c'était ces yeux pleins d'intérêt et de désirs secrets : dans ces moments là, on pouvait la lire comme un livre ouvert, malgré ses timides tentatives de paraître indifférente.
Un peu troublé (et, je dois l'admettre, un peu vexé et jaloux aussi), je dirigeais mon attention vers le mémorial qui se tenait au fond de la pièce, contre le mur. C'était un autel à Pandana sur lequel Oldewey nous faisait prier, mais il avait une originalité : le vieillard l'avait décoré d'objets trouvés pendant ses voyages. Des babioles, pour la plupart : mais au cou de la statue pendait un objet que même moi, j'avais appris à respecter : une amulette, qui semblait être le trésor le plus chéri de notre maître. Il ne nous avait jamais appris le sens de cet autel; Alfwey ne posait jamais trop de questions, et moi, je ramassais des pieds dans les dents quand je l'ouvrais trop. En général, celui d'Alfwey, d'ailleurs : le mystère restait donc entier. Je ne sais pas pourquoi cette amulette me fascinait plus ce soir là que les autres - peut être une de ces prémonitions que j'allais apprendre à avoir par la suite ?
Oldewey vint nous voir après une longue et silencieuse attente, et les rêveries d'Alfwey prirent fin. Il nous disposa en face de lui et, après avoir soupiré, il nous parla longuement. Il nous parla de l'ouest qu'il avait visité, d'Astrub, puis de Bonta et de Brakmar. J'imagine que la plupart de mes lecteurs sont familiers avec la guerre des cités : j'épargne donc, à vous autant qu'à moi, la douloureuse retranscription de cet exposé. Ce qu'il vous faut remarquer cependant, c'est l'effet qu'il pouvait laisser sur deux jeunes pandas jamais sortis de leur jungle : le monde devenait soudain beaucoup plus grand, et beaucoup plus effrayant. Oldewey nous en parlait sans amertume, sans passion, sans autre intérêt que celui qu'aurait eut un historien, ou un observateur. Il était évident qu'il n'avait jamais prit partit dans cette guerre, et n'avait même jamais songé à le faire. Je l'aprouvais en mon for intérieur, content de me trouver au moins une qualité en commun avec mon père. Alfwey, cependant, ne l'entendait pas de cette façon.
"Et vous, père ? Quel camp aviez vous décidé d'aider ?"
Il eut un sourire bienvieillant et rieur.
"Cela, je vous le laisse deviner. Mais ça n'a plus grande importance, maintenant."
Il sembla chercher ses mots. Alfwey n'insista pas, mais je me doutais bien qu'elle avait assez mal prit la réponse d'Oldewey.
"Ce qui est vraiment important, c'est qu'avec ce geste, j'ai probablement définitivement brisée la tranquillité de ce foyer. Je prévois un futur dur pour nous tous, et je voulais m'en excuser auprès de vous deux."
Alfwey jeta un regard interrogateur dans ma direction. Je haussais les épaules : non, je ne comprenais pas non plus.
"C'est simple, poursuivit-il. Lorsqu'on a un marteau, tout les problèmes sont des clous : de mêmes, ceux qui ont choisis un bord dans la guerre ne peuvent concevoir le principe de neutralité. Les neutres ne sont, pour eux, que des agents dormants ou des indécis, en attente d'une occasion de prouver leur allégeance."
Il se servit un peu de pandaké dans une coupe, bu, et nous fixa l'un à l'autre tour à tour.
"Ceux qui ont mit ce Iop dans cet état sauront un jour qui l'a sauvé. Et ils nous considérerons comme ses alliés, des traîtres à leur cause quelle qu'elle soit. Ils déploieront alors un certain nombre d'efforts pour nous détruire. A nous trois, nous ne pouvons pas nous opposer à une telle décision. Nous devrons disparaître ou mourir."
Alfwey écarquilla les sourcils et, pour la première fois depuis que je la connaissais, son empressement à répliquer l'emporta sur son éducation.
"Pourtant, ce que nous avons fait était la chose à faire, non ? Nous avons simplement aidé le bon camp. Seuls des monstres pourraient nous en vouloir pour ça."
Oldewey ne s'offusqua pas de la remarque, et parut même légèrement amusé.
"Oh ? Le bon camp, dis-tu... et quand bien même, qu'est ce que cela change ? Nous sommes sans protection. Notre geste serait interprété comme une traîtrise par les Brakmariens, et beaucoup de Pandawa.
- Les Bontariens ne pourraient-ils pas nous protéger, puisque nous avons aidé un des leurs ?
- Réfléchit. Cela ne reviendrait-il pas à choisir un camp, et de nous condamner à ne plus dépendre que de lui ? Cela ne reviendrait-il pas à nous aligner ?"
Pendant quelques secondes, je n'ai plus fait partie de la conversation - je n'étais même plus dans la pièce. Je ne pouvais que les regarder se fixer, Oldewey avec son sourire tranquille, et Alfwey, partagée entre son respect pour le maître et leur nouveau désaccord.
"Eh bien, peut être que nous devrions..."
Ce qu'elle s'apprêtait à dire, je le savais, Oldewey le savait - et Alfwey avait conscience de son évidence. Pourtant, le laisser entendre et avoir le courage de le prononcer sont deux choses très différentes.
"... peut être que nous devrions..."
Une goutte de sueur perla dans la fourrrure de ma soeur. Oldewey et elle se fixaient dans les yeux, et je sentais que dans cette pièce, quelque chose se jouait, sans vraiment savoir quoi; mais ça avait l'air important.
Alfwey baissa le chef, et soupira.
"...vous avez raison, père, il nous faudra fuir."
Oldewey hocha la tête; et par là, je savais qu'il voulait dire deux choses : "Merci" et "Nous en reparlerons en privé". Mais, alors qu'il semblait apaisé, je sentais le trouble de ma soeur à mes côtés. Je n'oserais essayer de comprendre à quoi elle pensait à ce moment là : ses sentiments ont toujours été très complexes, et je suis quelqu'un de simple. Tout ce que je peux dire, c'est qu'à ce moment là j'aurais aimé dire quelque chose, dissiper les nuages qui obscurcissaient son visage : et que je m'en trouvais incapable, faute de véritablement comprendre la situation. Peut être qu'à ce moment là, un mot de ma part aurait tout changé.
Mais avec des si, on mettrait Surivitna en bouteille.
Oldewey se leva alors, et nous fixa tour à tour. Puis, il indiqua d'un geste l'autel qui se trouvait derrière lui.
"Puisque cet incident est clos, je souhaite vous parler de quelque chose que j'aurais aimé retarder le plus possible, mais qu'il me faut visiblement exécuter dans l'immédiat, puisque les récents développements nous forcent le train. Je vous ai de nombreuses fois parlés de cette statue, et de cette amulette.
- A moi, du moins, soupira Alfwey."
J'avais tendance à m'eclipser dès que ça devenait ennuyeux, et l'histoire de cette amulette était franchement assomante.
Oldewey me lança un regard à la fois sévère et amusé; j'avais toujours admiré cette capacité chez lui.
"Oui, bon, je suis sûr que Stairwey se souvient de l'essentiel."
Je hochais la tête.
"C'est une amulette de kitsou, non ? Un puissant objet, qui rallonge la vie de celui qui la porte, et en laquelle sont contenus la mer et le vent ?
- Il est aussi important de noter que je la tiens du Sage Lenald, mais oui, c'est l'essentiel. En effet, c'est l'objet de ce dojo qui a le plus de valeur. Je comptais le léguer à l'un d'entre vous, puisqu'il représente toute ma fortune. Cependant, je ne veux pas instituer entre vous de hiérarchie, ou favoriser particulièrement l'un des deux. Vous devez me promettre solenellement de vous aider et de vous soutenir en toute circonstance, comme le devraient un frère et une soeur qui se respectent."
Alfwey et moi nous regardâment, et je fus grandement soulagé de voir que son expression s'était apaisée, et qu'elle me jetait un regard à la fois bienveillant et amusé. Je hochais la tête, un sourire aux lèvres.
"Nous le jurons."
Cet instant, et notre synchronicité, avaient eut quelque chose d'enchanteur. Mais Oldewey nous ramena bien vite sur terre.
"Bien. Alors, je ne vais pas tourner autour du pot : nous allons procéder à un duel, ici et maintenant. Celui qui vaincra l'autre... héritera de l'amulette, et devra se charger de la protection de son parent. Vous fonderez ensemble le prochain dojo, vous en êtes maintenant capables : et celui qui portera l'amulette en sera le pandasensei."
Nous hochâmes la tête. Nous battre n'avait rien de nouveau ni de choquant pour nous - nous avions grandis en le faisant. Alfwey et moi nous levâmes, nous disposâmes de chaque côté du dojo, et nous inclinâmes. Pendant quelques secondes, cela eut l'apparence d'un jeu, d'une trivialité qui nous amusait tout deux beaucoup : puis, son visage changea, et je sais que le mien aussi. Ses traits se durcirent, son regard se fit de glace, et sa moue se crispa. Je fixai moi même mes yeux sur elle, me préparant mentalement à l'affrontement, et nous nous mîmes tout deux en garde.
"Pas de blague débile, Stairwey ? D'ordinaire, tu ouvres ta grand gueule avant de commencer."
Je lui rendis son rictus.
"J'ai envie de te battre sans t'humilier, ptite boule. Histoire de changer."
Son sourire disparut, et elle se jeta sur moi.
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par DayTay Lun 5 Mar - 12:52

Excellent ! :p mais heu... la suiiiiiiiitttte xD ça devrait être interdit des fins comme celle là ! Dans le genre frustrant :'p
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Stairwey Tohaiven Lun 5 Mar - 19:58

[HRP : Je me suis beaucoup amusé à chorégraphier ce combat, j'espère que ce sera marrant à lire ^^]

L'ennui, quand on se bats contre quelqu'un qu'on connait comme sa poche, c'est qu'on ne sait pas si l'on doit partir du principe qu'elle va s'en tenir à son style habituel, ou complètement changer pour nous destabiliser. Je jouais donc la prudence, et la laissais venir en me mettant en position de garde neutre. Elle s'arrêta à un mètre de distance, et donna un coup de talon direct. Je l'évitais en faisant un petit saut en arrière puis, voulant la surprendre pendant son temps de récupération, je fis un grand pas pour couvrir la distance qui nous séparait et armait un direct - mais elle avait prévu cette réaction et m'avait tendu un piège. Elle posa sa main sur le sol, se baissa pour éviter mon coup de poing, et frappa de son pied arrière en pleine cheville. Je tombais en avant, jurant de douleur, et tentait de me rattraper au sol sur mes mains : mais le temps qu'il m'avait fallu pour tomber lui avait suffit pour réarmer un nouveau coup de pied, qu'elle tenta de me placer en plein museau. Je pliais les bras à temps, le recevant sur ma poitrine, et fut projeté en arrière le souffle coupé.
Je me relevais à temps pour l'apercevoir repartir à l'assaut, et parer un coup de pieds à la tempe. Ma cheville droite me faisait horriblement mal, et me déséquilibrait : à en juger par les petits coups d'oeil qu'Alfwey jetait à mes genoux, elle devait s'en douter et attendre le bon moment pour en profiter. Elle devait s'attendre à ce que je joue la défensive le temps que la douleur passe, car eut à peine le temps d'éviter le crochet que je lui lançais. Un petit bond en arrière, et elle changea de jambe d'appui. Alfwey réfléchissait toujours très vite, et la rapidité avec laquelle elle trouvait une nouvelle stratégie avait toujours surpris Oldewey.
Mais je n'étais pas en reste non plus.
Elle avait gagné la première manche, et ne comptait pas me laisser le temps de récupérer. Elle prit à peine le temps d'analyser ma position avant de repartir à l'attaque par une série de trois coups de pieds, que je décidais de bloquer directement pour prendre cette chance de réduire la distance entre nous. Mais elle réussit à suivre mon rythme et à ne pas perdre un centimètre sur moi, me laissant un peu sonné et pas plus avancé. J'optais pour autre chose : j'armai un direct et, alors qu'elle contre-attaquait avec un coup de pieds qu'elle aurait put me placer bien avant que je ne sois à portée, j'annulai ma feinte pour me baisser et opérer un balayage de sa jambe gauche, alors que la droite était encore en l'air. Surprise, elle tomba, mais pas entièrement : elle réussit à se récupérer avant de toucher le sol et roula en arrière, hors de portée. Je décidais de ne pas la poursuivre : j'avais plus d'énergie à récupérer qu'elle, et pour l'instant, un peu de distance m'arrangeait.
Je devais admettre qu'elle m'avait donné un peu de mal, mais je ne pouvais la chouchouter plus longtemps. Cela aurait été une marque d'irrespect à son égard, et elle me l'aurait encore moins pardonné que de gagner. Je pris donc la bouteille qui pendait à mon côté et m'en servais une généreuse lampée sur la figure, avant de la jeter au fond de la pièce. Alfwey, à deux mètres de moi, fronça les sourcils et durcis sa garde. Sa bouteille à elle ne lui servirait à rien, elle s'apprêtait donc probablement à essayer de durer jusqu'à ce que ma transe se dissipe. Mauvais calcul.
J'avançais sur elle, et voyait son regard s'agiter pour essayer de repérer mes mouvements; le style du panda saoul était le plus imprévisible de tous, et celui qu'elle pratiquait était très peu adapté au mien. Je feintais à droite, puis à gauche, elle anticipa la première mais pas la deuxième : trois direct dans son estomac lui coupèrent le souffle, et j'enchaînai sur un uppercut du gauche, qu'elle parvint à éviter : je déclenchais un poing enflammé malgré la distance qui nous séparait, cherchant plus à la stresser qu'à lui faire des dommages : la déflagration la força cependant à fermer les yeux, et j'en profitais pour réduire encore la distance. Nous n'étions désormais plus à portée de pieds : j'avais gagné.
Elle tenta un direct feinté couplé avec un crochet de la main gauche : je me courbais pour éviter, et lui plaçait un crochet de mon crut en pleine tempe. Elle tituba : j'enchaînais sur un poing enflammé, qu'elle reçut de plein fouet.
"Abandonne", tentais-je d'articuler. Evidemment, je n'étais pas vraiment en état d'être compréhensible.
"Jamais !" Rédondit-elle. Elle n'avait pas besoin de comprendre les mots pour saisir le sens.
Je n'hésitais pas : faire preuve de galanterie aurait été comme signaler sa féminité, une grande offense sur un terrain de duel. Je lançais donc un deuxième poing enflammé en la visant en pleine figure. Et alors, l'impensable se produisit : Alfwey fit un pas en avant.
Le poing siffla par dessus son épaule, à quelques centimètres de son visage, et explosa derrière elle. Nous n'étions même plus à portée de direct : elle avait tellement réduit la distance qu'il ne restait que la lutte. Mais elle ne m'empoigna pas : elle arma un coup de tête et visa en plein museau. Sous la douleur je reculais, en me protégeant le visage de mes bras croisés.
"ça ne changera rien, Alfwey, je vais...
- Tu vas la fermer !"
J'entrouvris les yeux et l'aperçu en train de saisir la bouteille qui pendait à sa ceinture. Je l'avais prise pour une décoration, vu qu'Alfwey avait toujours refusé d'apprendre le combat saoul, et ne comprenait pas ce qu'elle avait en tête : mais avant que je puise réfléchir au problème, elle la saisit par le goulot comme une masse, et me la brisa en plein visage. Quelques bouts de verres m'éraflèrent le visage, mais aucun ne pénétra les yeux ou la bouche. Douleur superficielle. Je reculais encore : elle tenait le tesson dans sa main droite, tendu comme un poignard.
"Tu penses que cette petite arme va faire la différence ? Laisse moi rigoler. Je vais..."
Je m'arrêtais soudain. Son sourire n'aurait pas pus être plus large. Ni plus mauvais. Je me rendis alors compte que je comprenais chaque mot que je prononçais. Et que je ne ressentais plus aucun picotement au bout de mes poings. Alfwey jeta son arme de fortune sur le côté, et se remit en garde.
"Tu m'as... mais comment..."
Elle ne prit pas la peine de répondre et, exultant, me servis l'un de ses enchaînements de coups de pieds préféré. Encore sonné et dans la mauvaise position, j'eut le plus grand mal à bloquer les coups.
C'était évident. Elle avait remplis sa bouteille de lait de bambou plutôt que d'alcool.
La garce avait prévu son coup...
Je tentais un pas en avant : elle punit cette initiative d'un pieds en pleine poitrine. Je reculai : elle poursuivit sa tempette de coups. Elle contrôlait parfaitement la distance, et j'avais l'esprit trop embrumé pour essayer de la feinter. Chacun de ses coups m'épuisait et me provoquait une vive douleur dans le bras qui le bloquait, et je ne les sentais déjà presque plus. Elle profitait au maximum de l'opportunité qu'elle s'était créé, m'arrosant de douleur et de rage. Peu à peu, un soupçon qui me taraudait l'arrière du crâne se fit évidence : je n'arrivais pas à battre Alfwey.
Les secondes qui suivirent furent encore pire : craignant probablement une feinte de ma part, elle était resté prudente dans son assaut jusque là : voyant que je ne réagissais pas, elle l'intensifia de telle sorte que je n'avais plus le temps de réfléchir entre deux séries de coups. C'était devenu une véritable machine. Et je me dis alors que c'était probablement ma seule chance de l'emporter. Je brisais soudain ma garde et encaissait un de ses coups en pleine poitrine : elle comprit ce que j'essayais de faire une demi seconde trop tard, et ne réussit pas à la rétracter assez vite : je la saisis par le molet et tirait de toute mes forces sur la gauche, la soulevant du sol et tournant sur moi-même. Le mur ouest du dojo n'était qu'à deux mètres de moi : en accumulant assez de force et en la lâchant au bon moment, je pourrais renverser la situation.
Elle comprit, et réagit aussitôt, d'une prouesse que je n'aurais crut possible, et que seule sa maitrise du coup de pied pouvait autoriser : pendant que je la faisais tourner autour de moi, elle ramassa autant de force que possible dans ses hanches et, d'un coup puissant, me frappa de son pied libre en pleine nuque. Je la lâchais immédiatement, sonné et le souffle coupé, et elle tomba à la renverse à quelques mètres de là, ne heurtant aucun mur. De mon côté, je tombais à quatre patte, les tempes bourdonnantes et la vue qui s'obscurcissait. Je ne trouvais même pas la force de me tourner, pour voir si elle s'était relevée. J'essayais de reprendre mes esprits, mais la douleur m'empêchait de réfléchir. Je ne sais pas exactement combien de temps passa : mais lorsque je réussi à me mettre à genoux et à relever les yeux, elle se tenait debout, en face de moi, et me regardait de haut. Je ne tentai même pas une esquive : l'intérieur de son pied droit heurta ma tempe avant que je n'ai eu le temps de réagir, et tout devint noir.
Oldewey Tohaiven n'accepte une victoire que s'il y a KO.
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Message par Stairwey Tohaiven Mar 6 Mar - 0:54

Lorsque j'ouvris les yeux, tout mes membres me faisaient encore mal et j'avais une horrible gueule de bois. Mais j'étais allongé dans un lit, et Alfwey baissait vers moi un sourire bienvieillant. Merde, ça valait bien une petite correction.
"Tu es réveillé ? J'ai peut être tapé un peu fort. Tu es resté comme ça pendant cinq heures, alors on t'a transporté sur ta paillasse."
Je me massais les tempes et le visage, et tentait de réajuster ma vision : oui, j'avais bien vu. A son cou pendait une lourde amulette bleue.
"Félicitations, parvins-je à articuler.
- ça aurait aussi bien put être toi. C'était très serré.
- Je sais. Et ça ne change rien. Félicitations quand même."
Son sourire s'élargit, et elle se leva pour faire quelques pas en direction du miroir mural au fond de la pièce. Elle s'y mira un moment, les yeux brillants.
"Tu n'es pas mauvais perdant, Stairwey. Je t'en suis reconnaissante.
- Tu aurais accepté la défaite comme moi, non ?"
Elle baissa les yeux un moment, l'air légérement honteuse.
"Peut être pas... écoute, tu me connais...
- Oui, je sais à quel point ça a dû te faire plaisir de me foutre une raclée."
Elle reprit son sourire.
"Oh, tu n'as pas idée !
- Admettons. C'est un sale coup pour l'égo, mais bon, ça devait arriver. Je veux dire, tu le mérites, p'tite boule. Je m'étonne juste que ça ne soit pas arrivé avant."
Alfwey hocha la tête, et son regard se fit plus sérieux.
"Evidemment, ce n'était pas un combat normal. Il y aura des conséquences.
- Je sais, j'y suis préparé."
Elle soupira.
"J'imagine bien. C'est pour moi que je me fais du souci, Stairwey. Toi, comme d'habitude, tu t'es arrangé pour avoir droit à la voie la plus facile. J'ai gagné le combat... mais j'ai hérité de responsabilités dont je ne suis pas bien sûre de vouloir. En fin de compte, je me dis que tu m'as peut être laissée gagner...
- Je prends ça comme une insulte.
- C'en était une.
- Je sais. Quand bien même, c'est pas sympa.
- Ecoute, je...
- Non, toi, tu vas m'écouter. Tu as gagné l'amulette, et le titre de pandasensei du prochain dojo. Mais ça ne veux pas dire que tu seras seule dans cette tâche. Premièrement, papa n'est pas encore mort. Deuxièmement, ce n'est qu'un titre : j'ai juré de veiller sur toi et de t'aider, et c'est ce que je vais faire. Je néglige peut être mon entraînement, mais tout le reste, j'y veille religieusement."
Elle se retourna vers moi, un sourire triste au lèvre.
"Je sais. Merci beaucoup, Stairwey. Tout ça est un peu soudain, j'ai besoin de... de retrouver mes repères."
Je ne voyais rien à rajouter à ce sujet, et pensais préférable de parler d'autre chose. De quelque chose qui pourrait peut être lui ramener le sourire.
"Et le Bontarien ?
- Il s'est réveillé il y a deux heures. Papa et lui sont en train de discuter, et il m'a envoyé veiller sur toi.
- Je vois..."
Nous fixâmes le sol un moment, cherchant comment exprimer ce qui nous traversait alors tout deux. Nous avions vécu toutes nos vies ici, et même si, comme tout les enfants, nous avions été impatient de quitter la maison familiale... les conditions nous faisaient peur à tout les deux.
"Qu'est ce que tu vas regretter le plus ? Me demanda t-elle. De cet endroit, je veux dire ?"
Je m'installais un peu plus comfortablement, et la fixait droit dans les yeux. J'avais pensé à cette réplique depuis un moment, et je voulais être sûr qu'elle produise l'effet maximum.
"La seule chose qui m'ait jamais importé, elle vient avec moi plus forte et plus belle qu'avant. Pourquoi est-ce que je devrais être triste ?"
Son sourire avait quelque chose de maternel. Pas exactement la réaction que j'avais cherché. Même pas un peu d'embarras ? Merde, je dois être trop prévisible.
"Et toi, alors ? demandais-je pour me rattraper un peu."
Elle eut un regard enjôleur.
"C'est un secret.
- Eyh, c'est pas du jeu !
- C'est moi le chef maintenant, c'est moi qui fixe les règles.
- Tu dois au moins me dire..."
Je fus interrompu par la porte qui s'ouvrait sur papa. Il entra dans la pièce et se tourna vers moi.
"Ah, tu es réveillé.
- Depuis quelques minutes, oui.
- Bien, bien. Tu peux marcher ?
- Dans un petit moment, mais ouais. Pourquoi ?
- J'ai besoin que tu ailles faire quelques courses au village d'à côté. D'après ce que je sais, les blessures de notre nouvel ami, Sonat, seront guéries pour la plupart dans trois jours. Il m'a avoué que ses aggresseurs sont probablement encore à sa poursuite, il n'y a donc pas une seconde à perdre. Tu vas m'acheter tout ce qu'il y a sur ces listes, et tu prépareras les bagages. Alfwey s'occupera de Sonat pendant mon absence.
- Tu pars ? demanda Alfwey. Où ?
- Je ne serais pas long, je vais faire des préparatifs à notre prochaine destination. Je reviendrais avec une charrette dans deux jours. Il faudra que tout soit prêt à mon retour : nous repartirons le lendemain."
Nous hochâmes la tête, et il alla se préparer. Je me relevais, tentais quelques mouvement, et me découvris en pleine forme. Je me payais le luxe de quelques étirements, et allait rejoindre Alfwey dans l'entrée, à temps pour voir mon père partir, enveloppé dans un poncho gris. Lorsqu'il fut hors de portée de voix, Alfwey se retourna vers moi et me regarda droit dans les yeux.
"Dis moi, tu as deviné ? Pour ce qui me manqueras le plus ?"
Dans ses yeux, je lisais une attente sincère, presque désespérée. Je fus surpris, car je ne pensais pas qu'elle y attachait une telle importance - et il était probable qu'elle n'avait pas conscience du regard qu'elle me jetait. Toujours est-il qu'à ce moment précis de ma vie, je me trouvais profondément incomfortable : visiblement, j'ignorais quelque chose que je devais savoir, que j'aurais dû savoir. Mais pris ainsi au dépourvu, sans indice, je n'avais pas vraiment le loisir de trouver une réponse.
"Euh... non. Pourquoi, j'aurais dû ?"
Mauvaise réponse, visiblement. Elle baissa les yeux et hocha la tête, semblant se résigner.
"Bah, ce n'est pas grave, tu sais."
Traduction : tu me déçois. Que je me suis sentit stupide ! Elle me souhaita bonne route, et monta l'échelle en direction de l'étage, là où celui que j'allai apprendre à appeller Sonat Ar Tica, Iop de profession et cause indirecte de tout mes malheurs présents et futurs, se remettait lentement de ses blessures.


Dernière édition par le Mar 6 Mar - 11:53, édité 3 fois
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Message par Sanael Mar 6 Mar - 0:57

hrp: 'bin magnifique! Super bien pensé, bien écrit, avec un 'tit coté zelaznien dans le début du combat qui va pas pour me déplaire.
En tout cas, t'es doué, de bout en bout, s't'un supaa bg. (:
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Message par Stairwey Tohaiven Mar 6 Mar - 1:07

Sanael a écrit:hrp: 'bin magnifique! Super bien pensé, bien écrit, avec un 'tit coté zelaznien dans le début du combat qui va pas pour me déplaire.
En tout cas, t'es doué, de bout en bout, s't'un supaa bg. (:

[HRP : ça fait plaisir, mais ce qui fait encore plus plaisir, c'est que tu ai cité Zelazny ;_; en effet, c'est une tentative d'adapter des éléments de son style au mien. ça fait plaisir de savoir que ça se remarque.]
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Message par SuperNovae Mar 6 Mar - 10:24

Je n'arrive pas à trouver de mots pour définir ton style d'écriture ...

C'est excellent mon petit Stairwey Smile !
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Message par Stairwey Tohaiven Mar 6 Mar - 15:01

Je partis le lendemain, avant qu'Alfwey ne se réveille. J'avais une longue route devant moi, et le retour serait encore plus long : il fallait que je sois arrivé au village avant la fermeture des magasins, pour pouvoir repartir le soir même et camper en route. De là, je continuerais jusqu'à la soirée, traînant les sacs derrière moi, ce qui allait me ralentir considérablement. En atteignant mes limites, je devrais être revenu en même temps que papa, ce qui aurait été conforme à son plan. Je n'aimais pas beaucoup l'idée de laisser Alfwey seule avec le Bontarien - elle avait fait preuve d'une étrange fascination envers lui, et je ne doutais pas qu'il profiterait de ces deux jours pour lui bourrer le... mou. Oui, c'est le mou auquel je pensais, bien sûr. Ahem.
Le trajet se passa sans encombre. Je traversais la forêt comme une ombre, tâchant d'éviter de me faire remarquer. Mon visage était connu par de nombreuses personnes, et les rencontres en forêt sont rarement bon signe. Quand ce ne sont pas des braconniers, ce sont des pandikaze - et je n'avais pas envie de savoir à quelle vitesse les nouvelles se propageaient.
J'atteignis le petit village vers 5 heure de l'après midi, et achetais les provisions qu'il m'aurait fallut apporter : une vingtaine de pains complets, cinq litres d'eau et deux de bière. Assez de nourriture pour un voyage de deux ou trois jours sans s'arrêter dans aucun lieu habité. Je me dis en mon for intérieur que papa s'occupait probablement du fourrage, puisqu'il ne m'avait pas demandé de le faire. Du coin de l'oeil, je remarquais quelques regards qui se voulaient discrets tournés vers moi - ou peut-être était-ce ma paranoïa. Mais j'avais dans l'idée que quelque chose se déroulait, quelque chose dont je n'avais pas idée. Peu importe - je repris ma route, les deux sacs chargés sur mon dos.
Ils n'étaient pas lourds, mais porter des bouteilles sur une si longue distance avait quelque chose d'éprouvant. J'avais déjà fais le voyage, bien sûr, et avec des quantités autrement plus importante. Mais cette fois, j'étais pressé à la fois par le temps et par la conscience du fait que j'étais en danger.
La nuit tomba, et je décidais de camper avant qu'il fasse trop noir pour me repérer. Alors que je me couchais à même le sol contre une barrière naturelle de bambou, je ne pus m'empêcher de penser à tout ce qui s'était passé la veille, et à tout ce qui risquait de se produire. Pour la première fois, le péril dans lequel nous étions me frappa de toute son évidence, et je me surpris à trembler. Je n'avais pas particulièrement peur de la mort, ou du moins c'est ce que j'aimais me répéter. Mais je n'aimais pas l'idée qu'aucun de nous ne survive. Et si quelqu'un devait survivre...
Ai-je vraiment besoin de finir cette phrase ? Vous avez tous deviné la pensée qui me traversa l'esprit à ce moment. Et à vrai dire, cet excès de dramatisation m'embarasse un peu. J'étais jeune. Laissons cela ainsi.
Je me réveillais du mauvais pieds, un peu parce que j'avais passé une très mauvaise nuit, mais aussi parce qu'on m'avait tiré de mon sommeil à coup de pieds, et qu'une lame de sabre au-dessus de ma gorge m'empêchait de me relever. Je levais le regard, pour tomber sur une bedaine proéminente recouverte de poils blancs, et surmontée d'une grosse tête ronde au regard grave. Il portait une danjoule et une longue cape rouge, et son katana était, pour ce que j'arrivais à voir, bien entretenu et éfilé. Je décidais de rester tranquille.
"Il t'en a fallu, des coups, avant que tu daignes te relever.
- Ouais. En ce moment, je rafole des coups de pieds dans la tronche, je sais pas pourquoi.
- La ferme. Tu parleras plus tard. Pour l'instant, tu vas écouter. Tu es bien le fils du vieu Oldewey Tohaiven ?"
Je restais coi quelques minutes.
"Eh ben ? Tu as perdu ta langue ?
- Vous m'avez demandé de me taire."
Ma plaisanterie me valut une sandale dans les dents. Pas terrible, comme petit déjeuner.
"Fais pas le malin avec moi. Réponds à la question.
- Ouais, ok. Ben non, c'est pas moi, désolé.
- Alors où tu vas, chargé comme ça ? C'est pas exactement la direction d'un temple, donc c'est pas une offrande.
- J'retourne à Pandawa Eau. J'avais des courses à faire."
Je profitais de mon nouvel angle de vue pour jeter un oeil : il y en avait quatres autres, de ce que je pouvais voir, tous portant l'uniforme des Pandikaze. L'un d'entre eux était en train de fouiller dans mes sacs, et son sourire s'illumina. Il en tira une bouteille d'eau et un pain, qu'il leva au dessus de sa tête pour que tout le monde les voit bien.
"Oh ? Ils ont plus d'eau, à Pandawa Eau ? fit celui qui me tenait en respect. Voyez-vous ça !"
Ses amis éclatèrent de rire. Mouais, j'aurais put faire mieux.
"Ben ouais, faut croire. Bon, vous allez me laisser partir ?"
Il me jete un regard amusé.
"Nan. J'crois bien qu't'es le fils du vieu Tohaiven. J'crois même que c'est là-bas qu't'allais. Et j'crois qu'tu vas nous y conduire.
- C'est drôle ça, je voyais pas du tout les choses comme ça. Dans ma tête, tu vois, d'abord je commençais par botter vos grosses fesses de poussah, et ensuite..."
Nouvelle sandale dans les dents. Qu'est ce qu'il puait des pieds !
"Fais pas le malin avec nous, petit. Debout, et j't'ai à l'oeil. Tu vas nous emmener là-bas, et pas un geste brusque, sinon j'te coupe la tête sans hésiter."
Je me levais, moins pour lui obéir que parce que je commençais sérieusement à avoir des crampes. Evidemment, j'avais conscience du fait que même en combat singulier, un pandikaze aurait été trop pour moi : là, ils étaient cinqs. Tout espoir de victoire était hors de question.
Ils me poussèrent à avancer, et je leur obéis, les mains levée vers le ciel en signe de soumission. Evidemment, je ne prenais pas du tout la direction du dojo Tohaiven - ces gros balourds ne connaissaient pas son emplacement, ils ne pouvaient donc pas savoir si je les menais en bâteau ou pas. Mon plan était simple. Les retarder le plus longtemps possible, en attendant une bonne occasion de m 'enfuir et de les perdre.
"T'es sûr que c'est par là ? Fit leur meneur, après une heure de marche. On m'avait pas du tout dit ça...
- On fait courir des bruits sur la localisation du dojo, mais aucun n'est vrai. Il n'y a que nous qui connaissions vraiment son emplacement.
- Tu serais pas en train de nous mener en bateau, petit ? Ce serait vraiment très dommage pour toi...
- Réflechissez. Est-ce que je risquerais de vous énerver de cette façon ? Ma vie est entre vos mains, je vous le rappelle."
Il grogna de satisfaction.
"Ouaip. Et toi, t'as pas intérêt à l'oublier, petit. Hop, au trot."
J'avais la chance d'avoir affaire à un geôlier particulièrement stupide. Je pensais dangereux de tenter ma chance, mais il fallait que j'en sache un peu plus sur ce qui avait motivé cette agression.
"Vous venez pour des leçons privés ? Il suffisait de demander, vous savez, pas besoin de...
- La ferme ! On a rien à apprendre d'une bande de traître qui aident les colonisateurs."
Aha. Les nouvelles allaient vite.
"Je ne vois pas de quoi vous...
- On est au courant pour le Bontarien que vous cachez. On sait aussi qu'des Brakmariens vont venir lui faire la peau, et vous zigouiller en prime. Nous, on compte leur tendre un piège, et faire d'une pierre deux coups. Drôlement malin, non ?"
J'approuvais. Un peu trop malin, même, pour un être de ce calibre. L'idée devait provenir de quelqu'un de plus élevé... d'autant que la vitesse à laquelle la nouvelle de notre "traîtrise" avait voyagé me faisait froid dans le dos. leur système d'espionnage et d'information devait être vraiment au point. En tout cas, pas de doute possible sur le fautif : c'était probablement moi. Quelqu'un avait dû me suivre à la trace alors que j'avais ramené le Iop au dojo. Quelle stupidité de ma part. Je méditais la possibilitée de me retourner et de les affronter, pour assumer les conséquences de mes bêtises, lorsqu'un hululement sinistre me tira de mes sombres pensées. Je levais la tête, et vit que les pandikaze étaient tout aussi surpris que moi. Des profondeurs ouest de la forêt venaient de surgir huit de ces créatures appelés humains, portant des tabliers de cuir, des bandanas roses et de sinistres hâchoirs. Des braquonniers. Je l'aurais préférée un peu moins extrême, la diversion, mais bon, il faut faire avec ce que Pandana nous donne.
Les pandikaze se mirent en garde, et je put voir qu'ils avaient peur. Les braquonniers étaient des êtres très dangereux, trop au dessus de leur niveau. Et ils étaient plus nombreux.
"Tu as intérêt à vendre chèrement ta peau comme la nôtre, petit... me fit le meneur des pandikaze. Tu es autant dans la choucroute que nous, là."
Je me mis en garde...
"Sûrement..."
Et détalais à toute jambe dans la direction opposée.
"... pas !"
Je l'entendis me hurler quelque chose - mais je ne fis pas attention, et me mis à courir si fort que le vent sifflait à mes oreilles. Les bruits du combat me poursuivirent un moment, puis s'éloignèrent. Je courrus aussi vite que je pouvais pendant peut être une heure, peut être deux, dans une direction qui n'était pas celle du dojo. Puis, lorsque je fut sûr d'avoir mis suffisamment de distance entre moi et mes poursuivants, qui qu'ils soient, je repris la course, en direction du dojo cette fois. J'avais perdu les provisions - mais dans ces conditions, il m'avait été difficile de faire mieux.
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Ery Mar 6 Mar - 17:23

HRP/ Un style très agréable à lire et léger, une histoire captivante, continue comme ça. ^^
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Stairwey Tohaiven Mer 7 Mar - 16:00

[HRP : ce chapitre n'a que trop traîné. Je le finis en trois posts, peut être plus selon la longueur autorisée, et après j'en ai trois autres à écrire >.>]

Les circonstances : une excuse pratique. Retrospectivement, je me dis qu'il s'était s'agit de ma réponse à tout, à une époque - et que, dieu merci, j'ai perdu cette exécrable habitude. Il n'en reste que pendant les heures que je mettais à traverser la forêt pour retourner au dojo, je ne me sentais que très peu responsable de tout ce qui se passait. Je ne nous prenais que pour des victimes d'un ordre inique, d'une bande de fanatiques iraisonnée. Cela m'évitait d'avoir à pleinement assumer mes actes : pratique, donc. Mais, alors que je revis ces scènes pour les décrires, j'ai du mal à ne pas céder à la tentation de me frapper la tête contre les murs. J'ai fais beaucoup de choses stupides dans ma vie : celle de ne pas pleinement mesurer les conséquences qu'apporter notre aide à Bonta en pleine zone de guerre entrainaient fut sûrement ma plus grave, à l'époque.
Mais bref. J'arrivais, le soir venu, au dojo. Je ne vis aucune bête de trait, ni aucune charette : je devais être arrivé avant père. Ce détail m'alerta quelques peu, mais je n'y prêtais pas plus d'attention. J'entrais, me massais les pieds et m'adossait un moment contre le mur, assis à même le sol.
"Je suis rentré", fis-je d'une voix molle.
Mais personne ne répondit. Le poil de ma nuque se hérissa légèrement, et je me relevais aussi silencieusement que possible. Je jetais un oeil dans les salles adjacentes : personne dans les chambres, personne dans la salle de combat. Je retournais à l'entrée : il ne restait que l'étage. Je grimpais lentement l'échelle, et collait mon oreille à la trappe.
"... ni l'autre. Je commence à m'inquiéter."
La voix d'Alfwey. Je soupirais de soulagement.
"Je suis désolé" fit une deuxième voix.
Cette voix-là, je ne l'avais encore jamais entendu, à part en train de grogner ou de pousser des gémissements, quarante huits heures plus tôt. C'était ce fameux Sonat Ar Tica. Il avait une voix puissante et sûre de guerrier, mais il l'avait modulée de façon à la rendre douce et chaleureuse.
"Cesse donc de t'excuser, pour la dernière fois, ce n'est pas ta faute ! Ce sont tes agresseurs qui sont à blâmer.
- Oui, mais tout ces problèmes sont liés à mon existence. J'en suis donc en partie responsable.
- Tu t'es suffisamment excusé d'exister, tu crois pas ? Soupira Alfwey. Tu m'as aidée à tout préparer, et ça, ça me suffit pour te pardonner.
- Ma dette est loin d'être payée. Quoiqu'il arrive, je ferais tout pour vous protéger, ta famille et toi...
- Je sais. C'est pour ça que je n'ai pas peur."
Elle accompagna sa remarque d'un petit rire, qui me glaça le sang. Oh, il n'avait rien d'horrible dans l'absolu : c'était au contraire un rire chaleureux et ouvert. Inutile de dire que je me sentis tout d'un coup ravis d'être en position d'interrompre la scène.
Je tapais donc trois coups à la porte de la trappe, et la soulevait pour passer la tête. Dans la petite pièce aménagée dans le grenier, je vis cet humain, ce iop, allongé sur la paillasse qu'on avait aménagée pour lui. Alfwey était agénouillée à ses côtés, légèrement penchés vers l'avant, et l'expression de son visage laissait entendre que sa colonne vertébrale venait subitement de se raidir.
Elle changea aussitôt d'expression faciale quand elle me reconnus.
"Stairwey, tu es revenu ! Je commençais à me faire du soucis."
Je me hissais entièrement à l'étage, et hochais la tête.
"Moi aussi, à vrai dire. Désolé, mais... je n'ai rien put rapporter."
Je leur expliquais alors ce qui m'était arrivé, et comment j'avais évité de justesse une mort presque certaine. Le iop m'écoutait attentivement mais sans broncher, tandis que ma soeur, elle, paraissait de plus en plus inquiète à mesure qu'elle en apprenait. Lorsque mon récit fut terminé, elle baissa le regard, paraissant réfléchir intensément, et sur le point de prendre une décision. Puis, elle leva le regard, et ses yeux étaient fermes et pleins de détermination.
"Très bien. En l'absence de papa, je suis la figure d'autorité de ce dojo. Je ne veux pas parler de malheurs, mais il faut tout prévoir : dans ces conditions, il est à prendre en compte que papa ne reviendra peut être pas.
- Qu'est ce que tu ra...
- Laisse moi finir, Stairwey. Nous l'attendrons jusqu'à demain matin, à la première heure. S'il n'est pas revenu d'ici là, alors nous partirons tout les trois à pieds à travers les bois, en tâchant d'êtres le plus discrets possibles. Je sais que c'est ce que papa aurait voulut, et vues les circonstances, c'est la seule solution qui nous est permise."
Quelque chose en moi voulait émettre une objection. Abandonner mon père en arrière, cela ne me disait rien du tout, surtout si c'était pour partir dans un voyage long, périlleux, et sans provisions. Mais je devais admettre qu'elle avait raison. Et dans ses yeux, je lisais toute la difficulté qu'elle avait eu à se résoudre à prononcer ces mots. Je ne pouvais pas douter d'elle ou la trahir. Pas maintenant. Je hochais donc la tête silencieusement, en ajoutant :
"A vos ordres, maître."
Elle sourit, puis soupira.
"Il vaudrait mieux pour chacun d'aller se coucher, maintenant. Nous devons être levés tôt demains matins, pour partir à temps.
- Sage décision, fit le Iop.
- Très bien, approuvais-je."
Je lui adressais un salut de la main, et descendis l'échelle. Alfwey m'emboîta le pas, et je ne pus m'empêcher de me sentir soulagé. Pendant un moment, je m'étais pris à imaginer qu'elle resterait là haut.
"Stairwey ?" me demanda t-elle timidement alors que ses pieds touchaient le sol.
"Mmmh ?"
J'aimais cette voix. Cela voulait dire dire qu'elle avait une faveur à me demander et, aussi répugnant cela puisse-t-il paraître, j'aimais me rendre utile à ses yeux de toutes les façons possible.
"Tu... ne m'as rien rapporté, par hasard ? Tu ne serais pas passé par... enfin, je veux dire..."
Je vous rassure tout de suite, à ce moment précis, je ne voyais absolument pas de quoi elle voulait parler non plus. Je fronçais donc les sourcils, essayant de comprendre.
"Je ne vois pas vraiment à quoi tu fais allusion, Alfwey. Comme je te l'ai dis, je n'ai rien put rapporter."
"Oh ! fit-elle, hochant la tête. Je pensais que... enfin non, ce n'est pas grave."
Elle releva la tête et me sourit. Un peu forcé.
"Passe une bonne nuit, Stairwey.
Elle se détourna et se dirigea en direction de sa chambre.
"...passe une bonne nuit aussi, ptite boule."
Eh bien, ça avait été ma journée. J'avais mangé des savattes, échappé à deux morts assez horribles, perdu toutes les provisions, vu ma soeur flirter avec un inconnu, appris que mon père était peut être déjà mort, et déçu une deuxième fois la-dite soeur en étant incapable de saisir ses allusions. Il faut dire qu'elles étaient diablement vagues - mais malgré tout ça, je ne me sentais pas autre chose que profondément fatigué. Je me vautrais dans ma paillasse, et m'endormis presque aussitôt.
Cette nuit-là, je rêvais. Déformé par les caprices de mon inconscient, et par le voile brumeux de l'irréel, c'était mon enfance que je voyais se rejouer devant mes yeux. Je me voyais, encore trop jeune pour apprendre à combattre, pratiquer des étirements quotidiens, puis, dès que papa était satisfait, partir jouer avec Alfwey dans la forêt. Nous la connaissions par coeur, cette forêt, à plusieurs kilomètres à la ronde. A l'époque, nous passions bien plus de temps à l'extérieur qu'à l'intérieur, à nous courir après et à inventer toutes sortes de jeu. Alfwey aimait bien inventer des règles - je me souvenais soudain qu'elle avait passé son temps à me mener à la baguette, lorsque nous étions gosse. Elle inventait nos jeux, décidait auxquels nous allions jouer, et s'arrangeait toujours d'une façon ou d'une autre pour gagner. Péché de jeunesse, elle avait toujours été très fière, et moi, toujours disposé à baisser la tête pour elle, et avec plaisir. Nous n'avions pas beaucoup changé.
Vers notre dixième année, nous avions découvert, à une heure de marche de la maison, une magnifique clairière où personne ne passait jamais. C'était devenu, d'une certaine manière, notre quartier général. Nous nous y rendions quand nous ne voulions pas que père nous trouve, et nous y allions quand nous avions besoin de calme. J'y allais quelque fois, pendant qu'Alfwey s'entraînait, pour échapper aux reproches de mon père. Je revoyais l'endroit dans tout ses détails : un cercle de terre d'une vingtaine de mètres de rayon, apparemment naturel, où un bambou solitaire mais plus large et plus épais que les autres, se tenait.
Ce bambou, c'était devenu notre deuxième père, un secret que nous avions partagé. Nous y avions creusé un trou à la surface, à quelques dizaines de centimètres du sol, dissimulé par des feuilles : et là dedans, nous entreposions nos "trésors", les objets que nous avions trouvé dans la forêt et auxquels nous accordions une valeur symbolique.
Je n'étais pas retourné à cette clairière depuis quatres ans - et Alfwey non plus, que je sache. Elle avait, au fur et à mesure des années, perdu son charme et son intérêt - et nous deux, peut être un peu de notre complicité. L'adolescence, et les réactions qu'elle déclenche, nous avait séparés, comme elle sépare souvent les amis de sexes opposés l'espace de quelques années. Mais nous ne nous étions pas encore rapprochés. Je revoyais certaine scène plus récentes : peut être avait-ce été ma faute. Peut-être que par mon attitude, j'avais entretenu cette distance. Peut être que ça m'avait arrangé.
Puis, l'image qui me réveilla, le pied d'Alfwey fonçant vers ma tempe, et m'assomant.


Dernière édition par le Mer 7 Mar - 16:10, édité 2 fois
Stairwey Tohaiven
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[Mémoire] Le chanvre et le bambou Empty Re: [Mémoire] Le chanvre et le bambou

Message par Stairwey Tohaiven Mer 7 Mar - 16:01

Je me levais en sueur, sans un cri. La pièce était encore plongée dans le noir, et je pouvais voir à travers les tentures quelques rayons de lune filtrer : il faisait encore nuit, donc. Mais je ne me sentais plus fatigué : je n'avais plus envie de dormir. Je me levais, et tirait d'un de mes tiroirs un petit secret personnel duquel même Alfwey n'était pas au courant : un sachet remplis de tabac de bambouto, et un autre de feuilles à rouler. J'avais pris l'habitude de fumer au début de mes seizes ans, mais cela ne me prenait que rarement. Les moments de stress étaient rares, dans la forêt : mais là, j'en avais vraiment besoin pour retrouver mon calme. Ce rêve ne m'avait pas laissé indifférent, et tout dans ma tête s'embrouillait.
Je claquait des doigts, et une petite étincelle se produisit, suffisante pour l'allumer. Ma maîtrise du feu avait augmenté depuis la dernière fois : ce petit tour, j'avais mis deux ans à parfaitement le réussir. Tirant quelques bouffées, je décidais de sortir en silence, et de profiter du plein air.
Je refermais le plus silencieusement la porte de la maison derrière moi, et sentit la terre fraîche sous mes pieds nus. L'air était humide, et je sentis quelques-uns de mes poils se hérisser sous l'effet de la température : mais j'avais toujours eu une assez bonne résistance au froid. Je jettais un oeil aux alentours : pas de signe de charette, ni de bête de trait quelconque; je soupirais, et tirait quelques bouffées sur ma cigarette.
Des bruits droits devant m'alertèrent, et je m'avançais dans cette direction. Et à une trentaine de mètres de la maison, je le vis : habillé de pied en cap, une épée ridiculement grande tenue à bout de bras, Sonat moulinait sa lame dans l'air, s'entraînant visiblement à des passes compliquées. Je restais là à l'observer un moment, fasciné par sa façon de tenir son arme : c'était donc ça, un Iop. Certains de ses gestes étaient trop rapides pour que je les voient en entier : d'autres semblaient demander une force physique que j'étais sûr de ne pas posséder. Tout dans ses gestes dénonçaient le combattant accomplis, celui pour qui aucun geste n'est gâché, aucun mouvement inutile : mais surtout, ce qui m'avait le plus marqué, c'était son regard où résolution et tristesse se mêlaient. A ce moment, je put lire en cet homme quelque chose : le fait que malgré son expertise, il ne prenait pas goût au combat. Et qu'il appréhendait ce qui allait bientôt nous arriver.
"Vous n'arrivez pas à dormir non plus, monsieur Tohaiven ?"
Je tirais une bouffée. Il m'avait tourné le dos tout le long. Impressionnant.
"Tu peux m'appeler Stairwey, Sonat. Tu t'entraînes rudement tôt, dis moi.
- Je ne pouvais trouver le sommeil. Je craignais trop une attaque surprise, et j'ai décidé de rester là pour me tenir en forme.
- Ne gâche pas inutilement tes forces, tu en auras besoin.
- Ne t'inquiètes pas pour ça. J'en aurais bien assez."
Ce n'était pas de la vantardise. Je voyais dans ses yeux qu'aucun mot n'était exagéré, et qu'il savait exactement de quoi il parlait. C'était une expérience étrange que de parler à ce Iop : d'ordinaire, lire dans une personne comme dans un livre ouvert vous donne un certain avantage à son égard. Mais avec lui, c'était exactement le contraire qui se produisait : il était transparent, clair comme de l'eau de roche, mais vous l'étiez tout autant pour lui. Le genre de gars difficile à surprendre pour son anniversaire, quoi.
"A ce propos, fis-je, merci pour avoir tenu compagnie à Alfwey, et pour avoir promis de la protéger. C'était chic de ta part.
- A ce sujet, j'aimerais m'excuser auprès de toi. Je n'ai compris ce qui se passait que quand je t'ai vu passer la tête par la trape."
Un moment, je ne compris absolument pas de quoi il parlait. Puis mes yeux croisèrent les siens, et son regard était éloquent. Un petit sourire amusé, aussi.
Ceux qui disent que les yeux sont la partie la plus expressive du corps ne savent pas de quoi ils parlent : ce gars n'avait pas de pupilles, et il arrivait à enchainer les émotions avec brio.
"Ouais, bon, nan, c'est pas exactement ce que tu crois.
- Elle m'a beaucoup parlé de toi, tu sais.
- C'est vrai ? Nan, j'veux dire... bon, écoute, parlons plus de ça, d'accord ?"
Il hocha la tête, et s'assit sur le sol, adossé contre un bambou. Je l'imitais. Quelques minutes d'un silence reposant, puis je ne pus m'empêcher de demander :
"De quoi vous avez parlé ?"
Il eut un petit sourire, mais ne tourna pas son regard vers moi, comme par pudeur.
"Cet endroit lui manquera beaucoup, tu sais. Elle m'a longuement parlé de toutes les choses qu'elle ne pouvait pas emporter... l'air, la mer, les arbres...
- Ce sont des choses qui se retrouvent autre part.
- Jamais deux fois les mêmes, Stairwey.
- C'est peut être une bonne chose, non ?"
Il réfléchit un moment.
"Oui. Oui, c'est peut être une bonne chose. Elle est juste jeune, et c'est son premier voyage.
- Je ne suis pas particulièrement tranquille non plus...
- ... mais tu refuses de le lui montrer.
- On ne se refait pas.
- ça, croit moi, je le sais."
Un moment, je cru apercevoir une lueur de mélancolie dans ses yeux. Puis :
"Elle voulait partir chercher quelque chose, je me souviens. J'ai souvent essayé de la convaincre d'y aller, de me laisser seul quelques heures. Mais elle n'a pas voulut. Elle disait que ça n'avait pas d'importance.
- Ouais, elle dit souvent ça des choses auxquelles elle attache de l'importance."
Il sourit.
"Mais, demandais-je, je vois pas vraiment ce que ça peut être. Elle t'en a pas parlé ?
- Non. Elle disait que vous reviendriez peut être avec. Au-delà de ça, je ne sais pas."
Je croisais les bras derrière ma nuque, et soupirait.
"Ouais, ça, j'ai crut comprendre. Mais je ne vois vraiment pas..."
Certaines personnes voient les moments d'inspiration soudaines comme une lanterne qui s'allume quelque part dans leur tête. Moi, je visualise plutôt un coup de pied qui m'atteint en pleine tronche. Evidemment ! Quel crétin j'avais été ! Comment j'avais put ne pas deviner que c'était ça, qu'elle voulait que je lui rapporte...
Sans trop réfléchir, je me levais d'un bond. Je ne savias pas encore ce que j'étais sensé faire, ni de combien de temps je disposais.
"ça va, Stairwey ? Qu'est ce qui t'arrives ?
- Combien d'heures avant l'aube ?
- Je dirais... encore trois. Pourquoi ?"
En courrant assez vite... une heure d'aller, une heure de retour. Je pouvais le faire. Je pouvais y arriver. Je me tournais vers Sonat, l'air probablement un peu secoué, mais sûr de moi.
"Ecoute. Je suis désolé qu'on ait pas put parler plus. Dès que je reviens, tu me raconteras tout de toi, comme ça, on sera à égalité. Mais là, je crois que je peux encore rattrapper le coup. J'en ai pour deux heures. Attendez moi, ok ?"
Il hocha la tête, un peu surpris mais n'osant élever d'objection.
"Très bien, mais qu'est ce que je dois dire à...
- Dis lui que je reviens tout de suite !"
Je me mis à courir aussi vite que possible, en direction du nord. Les bambous défilaient sur mon côté comme les barreaux d'une prison végétale, mais je n'étais pas d'humeur à trouver un symbolisme quelconque dans le décor : j'avais enfin compris. Tant pis pour le reste.
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Message par Stairwey Tohaiven Dim 11 Mar - 0:24

[HRP : >< quelle feignasse je fais]

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de retrouver, dans une forêt à la végétation pas très variée, en pleine nuit, un petit bout de terre que vous n'avez pas revu depuis quatres ans, mais ça n'a rien de facile. Je n'étais, de plus, pas dans l'état d'esprit le plus calme, comme vous pouvez l'imaginer.Aussi me perdis-je de longues minutes, et je dus me repérer a l'aide de tout mes sens pour réussir à enfin le trouver. J'avais perdu toute notion de temps : je ne saurais dire à combien se chiffrait mon retard, mais l'aube ne s'était pas encore levée.
Notre clairière n'était plus ce qu'elle avait été. La végétation avait repris ses droits et grignoté une bonne partie du cercle, et le bambou central avait visiblement été tranché. J'eut même, au début, du mal à reconnaître l'endroit. Et puis, dans ma tête, les deux visions se sont superposées, et j'ai put me rendre compte des ravages du temps. D'ordinaire, ça m'aurait inspiré une petite réflexion, ou je ne sais quoi, mais là, j'étais pas d'humeur.
Je me jettais aux pieds de ce qu'il restait du bambou central, et regardait à l'intérieur par l'ouverture du haut : je ne voyais que de la terre humide. Pressé, affolé et essouflé, je prit la souche à bout de bras et tirait de toutes mes forces, jusqu'à réussir à la déraciner. Elle emporta avec elle une grosse motte de terre qui me salit de pieds en cap, mais je m'en fichais : je jetais la souche sur le côté et me mis à creuser avec mes mains et mes ongles là où elle s'était trouvée. Le temps et la pluie avaient dû l'enterrer plus profondément, mais elle devait être là, elle devait...
Une douleur violente me traversa les doigts, et je sentis l'un de mes ongles se briser contre quelque chose de très dur. Bingau, comme disent les ecaflips.
Je plongeais mes deux mains et cherchait la surface froide à tâtons. Je la trouvais, et me mis à tirer de toutes mes forces pour l'en extraire. Au bout de quelques secondes d'efforts, je basculais en arrière et me cognait la tête au sol, avec entre les mains une petite boîte en fer rouillé. Je me relevais douloureusement, me mis le doigt encore sanglant dans la bouche, et regardait cette chose que j'avais dépensé tant d'énergie à trouver. Elle était encore hermétiquement fermée.
20 centimètres de long sur 10 centimètres de large. Fermeture étanche, carcasse épaisse de deux centimètres : une vraie petite forteresse miniature. Alfwey et moi avions mis de côté nos économies, quand nous étions gosse, pour acheter ce petit trésor, et stocker dedans nos objets de valeur. En la regardant, je nous revoyais sélectionner les plus beaux caillous : parfois même nous arrivions à déterrer des artefacts pandawushu, qui nous donnaient l'impression d'être riches une fois mis en "banque". Nous avions peu de possessions matérielles, aussi nous attachions nous au mondre objet qui sortait un peu de l'ordinaire. Et nous le mettions là-dedans. Notre trésor.
Après avoir grandis, nous avions perdu cette habitude. Mais nous en avions gardé quelque chose, un petit symbole personnel : un pandawushu de feu, et un pandawushu d'eau, des petits billes de 2 centimètres de diamètres, d'une profonde couleur rouge et bleue respectivement. Nous les avions montés sur des boucles d'oreilles, et les portions lors de nos premiers entraînement élémentaux. A l'époque, notre choix était celui de gosses qui avaient une couleur préférés. Depuis, nous ne les portions plus, car nous avions perdu un peu de notre émerveillement. L'entrainement était devenu plus dur, les leçons moins passionantes. Les éléments s'étaient fânés à nos yeux. Nous avions rangé nos boucles d'oreilles une dernière fois, et leur avions dit aurevoir. Le sourire d'Alfwey n'avait plus été le même depuis.
Je l'ai dis, notre intimité avait souffert de notre adolescence. Et je crois que le fait qu'on ait laissé nos trésors d'enfance moisir au fond de la terre avait quelque chose à voir avec cela.
Je calais la boite sous mon aisselle et me remis à courir en direction du dojo. En me creuvant complètement, j'arriverais avant le levé du soleil.
Alors que je refaisais le chemin en sens inverse, je me demandais pourquoi j'étais allé chercher cette boîte. Après tout, je n'avais aucun indice particulier, si ce n'est mon rêve. Mais j'ai toujours eu une grande confiance en les rêves. Et de toute façon, même si j'avais fais fausse route, même si je m'étais trompé... j'avais réalisé qu'il y avait bien quelque chose que je ne voulais pas laisser derrière. Et j'étais allé le récupérer. Cette petite excursion m'avait appris quelque chose sur moi. Hélas, il était écrit que je ne pourrais pas le mettre en pratique.
La première chose qui m'alerta fut la fumée dans le ciel. Puis vinrent les bruits d'explosions, et enfin, la lumière du feu. Ils résonnèrent dans toute la forêt, distants mais bien présent, et inquiétants. Au fur et à mesure que je me rapprochais du dojo, ils s'amplifiaent, et j'accélérais le pas en priant Pandana de donner des ailes à mes pieds, ou de rendre mon souffle infini... juste l'espace d'une heure.
Je vous en prie.
Tout mais pas ça.
Voilà les pensées qui me traversaient l'esprit. Au fur et à mesure que je me rapprochais, et que les bruits de conflits mourraient dans la nuit, je réalisais peu à peu ce qui venait de se passer.
Je les avaient abandonnés, pour aller chercher des jouets.
Ils m'avaient attendus. C'était pour moi qu'ils étaient restés.
Je tournais la tête vers le soleil, et vis les premières lueurs de l'aube. Je me maudis de tout les noms possibles et imaginables. Les pandas sont réputés pour leur inventivité en la matière, et cette nuit là, je me sentais particulièrement inspiré.
Lorsque j'arrivais, les bruits s'étaient tus, le feu s'était éteint, et le soleil s'étirait paresseusement à l'horizon. A une cinquantaine de mètres à la ronde, le lieu où s'était tenu le dojo n'était plus qu'un petit tas de cendre et de terre noire. Une épaisse fumée s'en élevait encore. Il n'y avait plus personne.
Peut être ai-je hurlé de dépit à ce moment là. Je ne me souviens plus. En tout cas, je me souviens que je me suis jeté à corps perdu dans les cendres : c'est de là que je tiens ces brûlures aux mains, aux genous et aux coudes, pas de la pratique de mon art. Je sentais la douleur, mais celle qui me tiraillait l'âme était bien pire (pour Leroy, on va dire : le coeur). J'ai jeté la boite que je tenais de côté et me mis à fouiller dans ce qui restait de ma maison, à appeler et à crier. Une attitude stupide, je m'en rends compte maintenant : mais c'était tout ce qui me venait à l'esprit.
Alors, je vis quelque chose briller au sol. Je m'en approchais, et le saisis. Une petite amulette bleu d'azur, une tête de kitsou gravée sur le médaillon.
Ce n'est qu'à ce moment là que les larmes commencèrent à couler.

Voilà comment, en voulant rattraper mon enfance, je l'ai perdue. Et voilà dans quelles circonstances j'ai quitté la maison de mon père.

Fin du premier chapitre.
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Message par SuperNovae Dim 11 Mar - 1:48

*lâche une larme*

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Message par Stairwey Tohaiven Jeu 22 Mar - 17:01

[HRP : A merde, ce truc s'est pas fini tout seul ? Pfff, va falloir que je m'y remette alors XD]

DEUXIEME CHAPITRE :

Le truc avec la vie, c'est qu'elle continue. On perds tout ce qu'on aime, et elle continue. On croit être au bout du rouleau, et elle continue. On sait plus quoi faire de sa carcasse, et elle continue.
Et en prime, le ventre gargouille et on veux un bain.
Alors j'ai continué à vivre. J'avais perdu toute ma famille, mais j'avais encore ma vie, qui était, malgré tout, mon bien le plus précieux à l'époque. Je séchais mes larmes – un peu vite, peut être. Mais qui peut dire quelle aurait été la bonne période ? Un mois ? Un an ? En deux jours, j'étais déjà décidé à me reprendre en main. Peut être aurais-je dû me sentir coupable d'avoir été capable de repousser a ce point la douleur : mais j'attribuais cette résistance à ma force de caractère. J'étais seul a présent, oui, et les seules personnes que j'aimais étaient probablement mortes dans de violentes circonstances. Mais moi, j'étais vivant, et j'avais faim.
J'enfilais les boucles d'oreilles et l'amulette dans ma poche, et je repris mon chemin. Ma cible était Pandala Neutre; on disait qu'il y avait pas mal d'opportunités de travail pour un jeune panda entreprenant, là bas. J'étais jeune – une qualité sur deux, c'est déjà ça.
Il me fallut d'abord m'inscrire aux registres d'état civil, chose qu'Oldewey, dans son grand mépris pour les administrations en tout genre, avait négligé de faire. Pour sa défense, ça n'aurait pas été un problème, si j'avais encore eu un tuteur enregistré : tel que je me présentais actuellement, je n'avais tout simplement plus d'identité.
Cette période de ma vie dura 8 mois. Je multipliais les petits boulots temporaires, passait mes soirées à la taverne et dormais dans la rue. Je me lavais, moi et mes vêtements, dans les rivières, pour éviter de trop puer. Puis, lors d'une de mes visites aux huttes municipales, j'obtint enfin la reconnaissance de mon identité, et la possibilitée de m'installer en ville en tant que citoyen.
Pouvant de fait prendre des boulots plus agréables et moins contraignants, je finissais par gagner suffisamment pour me payer une chambre de taverne, et ma vie prit un tour des plus agréables. Je dormais de nouveau dans un lit, j'avais un toit pour me protéger de la pluie et un endroit pour ranger mes affaires. On sous estime souvent l'importance de ces petites choses, mais croyez moi, la différence est la même qu'entre un pandawa et une bête. Je me sentais revivre.
Pour arrondir les fins de mois, je participais à des petits tournois de combat de rue, histoire de ne pas trop perdre ce que j'avais mis 15 ans à apprendre. J'étais loin d'être un des concurrents de tête – mais je me forgeais une petite réputation dans la catégorie poids plume, et gagner quelques matchs de temps en temps m'apportait de quoi avoir un petit comfort matériel. Il ne faut négliger aucune de ses qualités.
C'est dans ces conditions que je rencontrais Lordna. Lordna Kor.
Elle m'attendait sur le chemin que je prenais d'habitude pour rentrer des lieux de combat à la taverne. Il faisait nuit, et je venais de prendre une sérieuse dérouillée – comme convenu avec mon entraineur. Il m'arrivait souvent de devoir perdre des combats exprès pour pouvoir rafler une partie de l'argent des paris. Mes kamas en poche, je n'avais pas beaucoup d'état d'âme quand à ma réputation de strite-faïteur.
Ceux qui avaient pariés sur moi, par contre, auraient sûrement des questions à me poser quand à la façon dont je m'étais effondré sans demander mon reste au deuxième tour. Et elle était de ceux là.
Je l'aperçus alors qu'elle se tenait à une dizaine de mètres de moi, debout, les mains posées sur les hanches et le regard cherchant mes yeux. C'était la première fois que je voyais une de ses semblables : le poil blanc, les oreilles en pointe et les pupilles comme des lames de rasoir. Une écaflip. Elle portait du cuir noir clouté stratégiquement placé pour révéler autant que cacher, et sa position ainsi que son regard laissait entendre qu'une menace était dans l'air, et qu'elle n'attendait qu'un geste de travers pour la confirmer.
« Pour les autographes, c'est cinq cent kamas.
- Tu m'en dois deux milles.
- De un, je paye pas d'avance, et de deux, c'est un peu trop cher. Et puis, je préférerais qu'on se contente de parler, j'ai mal partout ce soir. »
J'ai une assez grande gueule. Mais je peux pas m'en empêcher.
Lordna, cependant, ne releva même pas l'insulte. Elle continuait de me fixer.
« J'ai parié deux milles kamas sur toi, et tu t'es écroulé sans même te battre. Tu m'as trahis.
- C'est le bize-nesse. On a pas gardé les cochons ensemble, que je sache. »
Elle soupira en baissant le chef. La tention ambiante se dissipa aussitôt.
« Allez, mec, sois sympa quoi, j'ai cinq loyers en retard ! »
Ses yeux paraissaient soudain très différents. Plus grands, et larmoyants. J'étais soudain parcourus de l'ardent désir de lui caresser le haut de la tête. Je secouais le chef pour dissiper cette impression, et repris mon chemin en la dépassant.
« J'ai pas les moyens de te rembourser. Faut qu'je vive aussi. Désolé si la machine t'entube, j'suis pas personnellement responsable. Passe une bonne soirée quand même. »
Je m'attendais à ce qu'elle m'insulte, m'attaque ou me jure de se venger. Pas à ce qu'elle me suive et ne s'accroche à mon bras.
« Attends, attends... j'ai une proposition en or... tu m'aide à faire un truc, et on est quittes, d'accord ? »
J'essayais de me dégager, sans succès. Elle cachait une force surprenante dans son petit corps.
« Je ne te dois rien, et je ne sais vraiment pas pourquoi je devrais... »
Elle braqua ses grands yeux dans les miens.
« Steuuuuuplaaaaaaaaait.... »
Je me prenais en pleine tête le pouvoir le plus dévastateur des écaflips : les yeux de Ban-By. Et croyez moi, c'est diablement dur à résister. Ma main gauche se dirigeait déjà lentement vers l'arrière de on oreille, avec l'envie irrepressible de la gratter à cet endroit. C'était un appel primitif, irraisonné, venant de l'aube de la terre. Ne pas m'incliner me demanda toute ma volonté.
« Pourquoi... pourquoi je devrais t'aider ? »
Son regard changea soudain. Elle paraissait surprise. Elle lâcha mon bras, fit quelques pas en arrière et me jaugea de haut en bas.
« Tu ne m'obéis pas aveuglément ? Demanda t-elle sur le ton de la conversation.
- Je suis pas du genre à marcher au pas dès qu'une inconnue me le demande ! »
La vérité, c'est qu'à ce moment là j'avais eu grand mal à ne pas dire oui. Qu'est ce qu'elle était mignonne, j'avais envie de lui lancer une pelotte de laine...
Elle se tapota le menton de son index, l'air amusée.
« Tu as une plus grande force de volonté que ce que je croyais. Moi qui m'attendais à un loubard stupide. Tu es différent de la plupart de ceux qui exercent ta profession, Stairwey.
- Utiliser le prénom de quelqu'un qui ne connait pas le vôtre, c'est déloyal, réussis-je à articuler. »
Le charme commençait peu à peu à se dissiper, mais j'avais toujours envie de remplir sa gamelle de croquettes. Quelle gamelle ?
« Vrai, dit-elle avec un sourire amusé. Je m'appelle Kor, Lordna Kor. Disciple d'écaflip et chasseuse de trésors, à ton service. »
Je me roulais une cigarette et tirait quelques bouffées pour me calmer. J'avais de nouveau le contrôle de tout mes membres.
« Bon, fit-elle. Je ne te retiendrais pas inutilement : mais laisse moi te dire ceci. Je vois en toi beaucoup de potentiel. Je lis dans tes yeux et dans tes gestes le pouvoir de faire des grandes choses, car tu es différent, Stairwey, tu n'es pas comme...
- C'est fini, oui ? »
Elle haussa un sourcil, l'air troublé.
« Miaou ?
- Ecoute, Lordna. Je suis pas spécial, je suis pas unique, je suis pas un petit flocon de neige. J'suis un combattant de rue qui fait ça pour pouvoir se payer des vêtements et de l'alcool, et tu veux quelque chose de moi. Alors laisse tomber le baratin, explique moi pourquoi tu m'as choisis, ce que tu veux de moi, ce que j'ai à y gagner, comme ça je pourrais rentrer chez moi et dormir un coup. »
Quelques secondes passèrent, pendant lesquelles elle me fixa en plissant les yeux. J'avais peur qu'elle ne se serve à nouveau de son pouvoir de fascination, et me préparait mentalement. Mais soudain, elle se mit à sourire. Un sourire large et satisfait.
« J'ai vraiment bien fait d'aller vers toi.
- On y viens, ouais ? J'ai sommeil, moi.
- Bon, j'irais pas par quatres chemins, Stair (Je peux t'appeler Stair, pas vrai ? Génial !). J'ai besoin d'un partenaire. Et tu ferais parfaitement l'affaire, d'après ce que j'ai vu sur le ring. T'es pas le meilleur, mais moi non plus. Je pense qu'à vue de nez, on se vaux plus ou moins, ce qui rends une coopération plus qu'intéressante. Je connais pas mal de bêtes qu'on pourrait chasser à deux, dont certains appendices nous vaudraient pas mal d'argent. Ce que tu trouves, tu le gardes et tu le vends. Finis les boulots minables, et à nous la belle vie ! »
Je terminais ma cigarette, expirais un large nuage de fumée et jetais le mégot par terre, pour gagner un peu de temps. Je ne savais pas quoi penser de sa proposition, mais elle excitait quelque chose en moi. Quelque chose de jusqu'alors réprimé.
Mais je ne pouvai pas dire oui de but en blanc. Il me fallait lui rendre la balle d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi, plus pour lui prouver que je n'étais pas complètement aveugle, je lui répondis :
« J'accepte, mais à une condition : tu m'expliques c'est quoi ces ailes que tu essaye de cacher depuis le début de la conversation. »
Elle eut un sursaut, suivit d'un regard intrigué puis d'un sourire. Elle venait d'être démasquée : mais cela paraissait plus l'amuser qu'autre chose. Ou peut être était-ce mon ignorance qui l'avait soulagée; je ne saurais le dire. Toujours est-il qu'elle déploya sous mes yeux deux petites ailes de toile et de bois, à peines plus grosses que sa tête, et les fit battre sous mes yeux.
« ça, c'est une longue histoire... » dit-elle avec un petit sourire.
Voilà comment j'ai rencontré Lordna Kor.
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Message par Stairwey Tohaiven Jeu 22 Mar - 20:09

[HRP : /me essaye de finir ce chapitre assez cours aujourd'hui ><]

Les mois qui suivirent ressemblèrent à une journée de printemps. Je quittais toutes mes autres activitées pour me consacrer à la chasse, et à ma grande surprise, j'aimais ça. La compagnie de Lordna y était peut être pour quelque chose : au fil du temps, nos relations s'étaient améliorées et nous étions devenus plus que de simple partenaires.
Lordna avait beaucoup de choses à m'apprendre. Je n'étais jamais partis à la chasse au monstre, et c'est elle qui m'en montra les ficelles. Elle n'était visiblement pas une experte non plus, et était plutôt jeune, mais ses idées étaient bonnes et nous parvînmes vite à avoir des quota qui nous permettaient de vivre confortablement. En plus, cela m'entrainait autrement mieux que mon ancien travail. Je reprenais du muscle, des couleurs et le sourire tout ensemble. C'était le bon vieux temps.
J'appris à connaître Lordna. Une écaflipe pleine de vie et sûre d'elle, capable du meilleur et du pire, souvent les deux en même temps. Elle avait une aussi grande gueule que moi et buvait tout autant, bien que sa résistance aux effets de l'alcool ne valait pas celle d'un pandawa. Nous passions nos soirées à dépenser notre budget bière, à déclencher des bagarres sans remords et à veiller à en faire arrêter un autre pour trouble de l'ordre public. On se marrait comme des phoques, quoi.
Je devais souvent la ramener le soir, assomée qu'elle était par la quantité de boisson qu'elle avait ingurgité. J'avais aussi pour rôle de l'empêcher de faire des paris idiots quand elle était bourrée, et d'éviter que quelqu'un de peu galant ne profite de son état. Enfin, quelqu'un d'autre que moi. Elle savait pouvoir compter sur moi pour sa sécurité, et en échange, elle faisait religieusement semblant de ne pas se souvenir des évènements de la nuit d'avant. A part un clin d'oeil de temps en temps.
Elle m'apprit la signification de ses ailes, et comment elle était devenue néophyte dans le clan des Seriane-Kerm. Je la pris d'abord pour une colonisatrice de plus, mais après qu'elle m'ait détaillé en quoi consistait son rôle, je ne trouvais plus rien à y redire. Elle me promit de m'emmener un jour à Astrub, pour me montrer et me forcer à m'engager, mais à l'époque, cela ne me tentait pas trop. Je n'avais jamais pensé à quitter Pandala, et l'idée était trop nouvelle pour que je la considère sérieusement.
Notre fortune s'était faite à base de larves bleues. Elles abondaient dans les rues de Pandala Neutre, et nous en faisions du petit feu pour vendre les parties de leur anatomie qui étaient réutilisables. On ne roulait pas sur l'or, mais notre train de vie n'était pas particulièrement dispendieux. La bière était bon marché, et nous pouvions nous permettre de faire des économies chacun de notre côté.
Six mois après notre association, je fis un rêve assez étrange, dans lequel la déesse me parlait. Je ne sais pas encore s'il s'agissait simplement d'un rêve, ou bien d'un véritable contact divin : toujours est-il que de cette nuit, je tirais l'idée de suivre le chemin d'initiation classique des jeunes guerriers pandawa. Lordna trouva l'idée saugrenue et un peu déplacée, mais ne m'en empêcha pas, tant, disait-elle, que cela ne chevauchait pas nos séances de récolte. Je lui adressais un sourire et hochais la tête.
Malgré sa réticence première, elle finit par m'accompagner. Je crois qu'elle s'ennuyait, toute seule – ou peut être était-elle curieuse. Avec elle à mes côtés, je suivis un par un tout les rituels d'initiation, discutant tour à tour avec prêtres, prêtresses, grands chefs et grands sages. Ils me parlèrent d'histoire, de devoir et et dofus. De ces trois mots, seul le dernier attira mon attention, ainsi que celle de Lordna. Nous n'étions pas particulièrement intéressés par la puissance, mais comme le disait mon équipière :
« Un truc pareil, ça doit pouvoir faire des couilles en or à une tribu entière. »
Nous suivimes à la trace tout les indices, les ouï-dire et les légendes. Cela nous mena jusqu'aux portes de Pandala Feu, et au Sage Lenald lui même. L'homme qui avait offert cette amulette à mon père, Oldewey Tohaiven. Je ressentis un pincement au coeur alors que mes souvenirs refaisaient surface. J'hésitais : devais-je me présenter au vieu firefoux ? Ou n'en rien faire, et tâcher de laisser tout cela derrière moi ? J'optais pour la seconde solution. Des présentations inutiles auraient excité la curiosité de Lordna, et je n'avais pas envie de lui raconter l'histoire de ma vie. Elle avait toujours respecté mon silence à ce sujet, mais un détail pareil lui aurait servis de prétexte pour m'assommer de questions. Et je ne voulais pas ça.
Aussi, lorsque nous nous présentâmes au Sage, nous étions deux chasseurs de trésors sans histoire, et je n'étais qu'un jeune pandawa parmis tant d'autre. Son regard s'attarda peut être un peu plus que nécessaire sur moi, mais il ne dit rien qui trahis le fait qu'il m'avait reconnu, et nous parla comme à deux étrangers. Il nous parla des dofus, du fait qu'il n'étaient pas qu'une légende, et du fait que tout les dofus ne sont pas des vrais. Il nous conseilla d'aller voir par nous même l'ancien monument dressé dans les profondeurs de la jungle de pandala feu, ce que nous nous décidâmes à faire.
C'est à ce moment là que nous entendîmes les explosions.
De l'autre côte de la large porte qui bloquait l'accès, des bruits de combat nous alertèrent de ce qui se passait à l'intérieur, et nous reçûmes un puissant avertissement télépathique. La zone était en pleine guerre.
« Bon, ben on reviendra plus tard hein...
- Pas question ! Objecta Lordna. On est là, on y va. On aura qu'à se faire tout petits. »
Je lui jetais un regard en coin, pour voir si elle plaisantait. Pas de chance.
« Tu déconnes, j'espère ? T'entends le boucan qu'ils font ? Si on rentre, on va se faire démolir par un tir perdu. Ils auront même pas le temps de se rendre compte qu'on est là.
- Justement ! Répondit-elle, les yeux brillants. On passe en douce, on évite les explosions, on jette un coup d'oeil à la statue et on rentre ! Les doigts dans le nez.
- Dans l'oeil, plutôt, et jusqu'au coude ! Eviter les explosions, t'es sérieuse ? On tiendra pas cinq minutes là dedans. »
Elle me jeta un regard noir. Cela ne présageait rien de bon.
« Stair... tu sais à quel point je déteste les hommes lâches...
- Ah non, pas cet argument, tu te moques de moi ! Ça n'a rien à voir avec de la lâcheté, c'est de l'instinct de survie, bordel ! »
Elle posa sa main sur mon torse, s'approcha de moi et me fixa dans les yeux. Ses griffes commençaient à rentrer légèrement sous ma peau. Son visage était si proche du mien que son haleine faisait frémir mes moustaches.
« Stair... on a fait des choses bien ensemble. Mais je vais escalader ce mur. Et si tu ne m'accompagne pas, ce n'est plus la peine de venir me rejoindre à la taverne, c'est compris ? A toi de voir si t'en as dans le pantalon ou pas. Mais j'avais une meilleure opinion de toi. »
La garce. Elle savait exactement par où me prendre, et elle ne se gênait pas. Inutile de dire que je cédais à son chantage, et nous nous trouvâme bientôt tout deux en train d'escalader tant bien que mal les montagnes. D'après nos indications et notre carte, nous nous étions arrangés pour nous retrouver directement à côté de la statue, pour pouvoir repartir au plus vite. Les bruits de bataille, les cris de douleur et de haine me faisaient toujours frémir le poil – j'étais un combattant, pas un guerrier. Il y a une différence significative.
Nous escaladâmes de notre mieux le mur, et dévalâmes la pente pour tomber au sol de l'autre côté. Le ciel de la région était teinté de magie à l'oeuvre, et l'on voyait des hommes et des femmes voler de leurs grandes ailes déployées, s'entretuer les uns les autres en une danse mortelle. Rien de très motivant, quoi.
Après quelques minutes pauvres en évènements mais riches en sueurs froides de ma part, nous trouvâmes enfin la statue. Une gigantesque effigie de dragon en pierre, six mains vides tendues vers le ciel. Une oeuvre préhistorique, à vue de nez : et pourtant, parfaitement bien conservée.
Lordna fit quelques pas en avant, visiblement fascinée.
« Alors, c'était vrai... »
Elle passait sa main sur le torse de la statue, jugea de la quantité de poussière accumulée par les âges, et se tourna vers moi.
« C'était vrai, Stair ! Ils existent !
- Génial... on peut partir, maintenant ? »
Elle ne m'écouta pas, et posa un genoux à terre pour prendre quelques foh-to. Je regardais autour de nous, l'air nerveux.
« Lordna, par pitié, grouille, on sait pas quand est-ce que...
- Arrête de te plaindre, j'ai bientôt fini ! »
Quelques secondes plus tard, elle se releva, après avoir prit la statue sous tout ses angles. Je tournais vers elle un regard implorant, et elle me rendit un sourire amusé.
« Allons-y, avant que quelqu'un ne nous voit. »
Elle n'eut pas à me le redire deux fois. Quelque chose dans cet endroit me terrifiait, sans que je puisse exactement mettre le doigt dessus. Partir en vitesse était le seul plan d'action qui me satisfaisait.
Malheureusement, il était légèrement trop tard.
Une explosion juste devant nous nous força à nous jeter à terre pour éviter d'être touchés. Alors que je commençais à me relever, je vis une petite silouhette se tenant droit devant nous, les mains dans les poches de sa robe. Une espèce de pandaïde comme ceux qui avaient envahis l'île, mais plus petit, et couvert de bandelettes. Un xelor, à ce qu'on dit. Et dans son dos, il portait de gigantesque ailes de chauve souris, couleur écarlate. Je n'en avais jamais vue d'aussi grandes.
« Ecoutez, fis-je, on était que de passage, on reste pas, on est même pas Bontariens... »
Mais il ne m'écouta pas. Ses yeux étaient fixés sur Lordna, et c'est à elle qu'il parla.
« Tu es bien loin d'Astrub, petite néophyte. »
Je vis Lordna se relever, et même elle me donna l'impression d'être inquiète. Elle tenta de paraître sûre d'elle en repliquant, mais on pouvais voir le léger tremblement qui parcourait ses bras et ses jambes.
« Je vais où je veux, Brakmarien. Je ne te veux rien, donc tu pourrais peut être me laisser passer ? »
Il rit et agita son index d'un signe négatif.
« Où tu veux ? Non, je ne crois pas. Cette région nous appartient, et ce n'est pas parce que les Bontariens viennent essayer d'envahir que tout les rats de la zone doivent se croire invités à la fête. Surtout un rat avec des ailes aussi moches. »
Je lut dans les gestes de Lordna, et dans sa façon de plier légèrement les genoux, qu'elle s'était mise en position de bondir à tout moment. Je l'imitais : suant abondamment, je me mettais à réfléchir à des choses à dire ou à des plans pour nous enfuir – mais je ne trouvais rien.
Le Xelor pointa négligemment son doigt vers Lordna, et je vis de la lumière se former au bout de ce dernier, une lueur magique orangée.
« Tu t'es incrustée dans une fête à laquelle tu n'étais pas invitée, pseudo-sériane. Je vais me faire un plaisir de vous apprendre les bonnes manières, à toi et à ce chien que tu t'es trainée derrière toi. »
Je voulus crier quelque chose, mais la décharge fusa. Dans la lumière aveuglante qui suivit, je vis Lordna bondir de côté, quelques centièmes de secondes avant l'explosion. Je fermais les yeux pour éviter d'être aveuglé – et c'est alors que j'entendis un cri.
Mais ce n'était pas la voix de Lordna.
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Message par Stairwey Tohaiven Mer 4 Avr - 17:19

Une petite note sépare les deux parchemins, écrite encore plus mal que d'habitude. Les lettres sont courtes et aigües, et il semble manquer de nombreux morts

...trop...lent...pas...temps...arrive...
...caché...imprudent...pardonnez...
...adieu...
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